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AVA

Un film de Léa Mysius

Le premier film post-Fémis : un genre en soi !

Ava a 13 ans. Elle passe ses vacances d’été sur les plages des Landes quand elle apprend soudain qu’elle va perdre la vue d’ici quelques mois. Ava est donc décidée à faire en sorte d’avoir le droit au plus bel été de sa vie, quand sa mère fait comme si de rien n’était. Mais Ava, qui ne l’entend pas ainsi, tente le tout pour le tout pour expérimenter son rapport aussi bien au monde qu’à son propre corps…

Ce sous-titre vous semble plus ou moins condescendant ? C’est pourtant quelque chose que l’on ressent de plus en plus depuis des années, et ce au travers d’une simple analyse des films en question. On pense désormais avoir affaire à une catégorie de films qui peut se résumer au concept suivant : un sujet original en guise d’appât, mis en avant par une affiche intrigante et un accueil enthousiaste dans les festivals (notamment Cannes), mais en réalité évacué au terme d’une demi-heure de pellicule au profit de considérations sociales et/ou néoréalistes qui frisent le hors-sujet. Ce que l’on en tire au final tient à peu de choses : soit le réalisateur – en général également scénariste – ne savait pas quoi faire de la seule idée qu’il avait entre les mains, soit son intérêt se focalisait dès le départ sur une sensibilité on ne peut plus « bobo » pour des sujets très terre-à-terre qu’il souhaitait amener par le biais inaugural du genre (polar, horreur, thriller, drame psychanalytique, etc.) afin de paraître un minimum branché et « original ». Cette année, après Julia Ducournau et son "Grave" pas grave du tout, c’est au tour de Léa Mysius et son "Ava" – auréolé d’un joli succès à la Semaine de la Critique 2017 – de nous donner raison.

Pourtant, c’est peu dire que la réalisatrice avait tout en main pour bâtir un pont remarquable entre le récit d’émancipation et la fable psychanalytique. En situant d’entrée l’action dans un territoire estival où le soleil frappe fort, en décrivant une jeune héroïne affectée par une angoisse précise (elle va bientôt perdre la vue), et en s’en tenant à des rêves surréalistes ou à de petits détails inquiétants (comme l’entrée d’un chien noir dans le champ de la scène d’ouverture, par exemple) pour accroître implicitement cette angoisse, Léa Mysius réussit une première demi-heure très maîtrisée où le réalisme s’évapore au profit d’un espace-temps propice au lâcher-prise, à l’urgence de vivre et de désirer. "Ava", dans le fond, ne raconte rien d’autre que ça : une jeune adolescente (Noée Abita, une révélation digne de la Béatrice Dalle de "37°2 le matin") qui pense tout en mouvement visualisé et pratiqué (le sport, la fuite, le vol, le secours, l’amour…) avant que la perte de la vue ne vienne mettre fin à ce champ des possibles. Hélas, la réalisatrice reste trop arrimée au plancher des vaches pour être capable de transcender ce sujet par la narration comme par la mise en scène.

Sur le premier point, le récit laisse vite de côté cette peur suscitée par la perte progressive de la vue (l’enjeu disparaît alors pour ne jamais être réellement traité) et s’enferre vite dans un banal canevas de fuite en avant punk et délinquante (un grand classique chez les scénaristes sortis de la Fémis !), faisant évoluer Ava des traditionnelles disputes avec sa mère (Laure Calamy, aussi enfantine que génialement désinhibée) à une « infiltration » dans un camp de gitans qui nous donne surtout l’impression de voir tout à coup un autre film. Sur le second point, le lyrisme solaire, le télescopage de genres et les audaces oniriques que l’on guettait dans la première demi-heure prennent la poudre d’escampette, écrasés par ce soleil de plomb schématique et sans aucun affect que l’on appelle « néoréalisme ». Sans volonté d’accentuer l’immersion au sein d’une action réaliste, sans volonté de jouer la carte du symbole pour apparaître universel dans son propos, "Ava" foule le sol d’un réel qui impose sa loi au genre, avance sans but précis et se termine sans résoudre ce qu’il avait mis en place. On pige alors le fond du problème : l’héroïne risquait de devenir aveugle, mais en réalité, le film l’était déjà avant elle.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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