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AN ELEPHANT SITTING STILL

Un film de Hu Bo

Un portrait rare et précieux de la Chine contemporaine

La mort règne dans les quartiers pauvres de Chine. Elle prend tour à tour dans ce monde vertical où règne une violence sourde et aveugle, annoncée par un assourdissant silence…

An elephant sitting still film image

Ce film tire très bien partie de sa plus grande tare : sa longueur. Un film de quasiment quatre heures peut en effet rebuter, mais ce n’est pas le cas ici car la forme sert vraiment le fond. Hu Bo prend le temps de décrire la léthargie, l’aliénation et l’absence totale d’espoir et d’innocence d’une certaine part de la population urbaine chinoise, et en particulier de la jeunesse.

La longueur des plans séquences, leur rythme extrêmement lent, ponctués de très longs silences et de déplacements à pied, participent à l’idée d’errance, d’enfermement à la verticale. Cette démarche n’invite ni à la méditation, ni à l’introspection contre toute attente. Les personnages sont silencieux car ils sont vides. Ils n’ont pas accès à leurs sentiments ou à une intériorité. Ils n’ont ni désir, ni rêve, ils sont complètement aliénés par la société qui les entoure, les juge et les enferme. Les gardiens, les cerbères, sont tout un chacun, dont la violence extrême, mortelle, émerge à chaque fois que quelqu’un sort du carcan. A l’image du chien blanc meurtrier.

Le monde dépeint par la caméra de Hu Bo est froid, gris, en contre plongée. Mais sans aucune élévation. La très courte focale, qui isole sans cesse le personnage dans son cadre participe à cette sensation d’aveuglement et d’aliénation. Personne ne peut voir physiquement plus loin que sa personne.

Le récit choral prend du temps à s’unir. Le point commun entre Wei Bu, Yu Cheng, Huang Ling et Wang Jin met du temps à apparaître. Les effets destructeurs de la société se lisent sur chacun de leur visage. La violence générationnelle est présente chez tous, dans les liens entre parents et enfants.

Une autre question qui revient souvent chez chacun d’eux (à l’exception du grand père qui semble avoir acquis une forme de sagesse) : qui est responsable ? A qui est-ce la faute et qui blâmer ? C’est un jeu sinistre de la poule et de l’œuf où chacun se rejette la responsabilité face à la mort. Aucun n’ose assumer et aucun n’ose poser un acte de libre arbitre, pleinement indépendant, de responsabilité, d’origine.

"An Elephant Sitting Still" dresse un portrait glaçant de la Chine contemporaine, gangrenée par l’argent et l’individualisme, où l’espoir, l’amitié, toute relation humaine et tout sentiment envers autrui semblent vains et l’espoir d’un ailleurs, d’un autrement, n’est qu’une illusion. C’est dans la résignation et l’apprendre à vivre ici, voire survivre ici, que réside la seule solution.

Un film éminemment réaliste, pessimiste, mais jamais nihiliste. A voir.

Thomas ChapelleEnvoyer un message au rédacteur

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