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LES AMANTS DE CARACAS

Ce que cache la relation

Armando, un homme mûr suit un jeune homme croisé dans un bus. Il sort une liasse de billet. Le jeune homme le suit et se conforme aux ordres du premier, s'adonnant à un striptease, esquissant une branlette. Prothésiste dentaire, Armando se fait un jour tabasser et voler par l'un de ses escorts de fortune dénommé Elder. Fasciné par ce garçon, il commence à le suivre et cherche à le revoir...

« Les Amants de Caracas » fut le Lion d'or surprise du Festival de Venise 2015. Portrait vénézuélien d'un cinquantenaire attiré par les jeunes hommes et leur offrant de l'argent contre un striptease en privé, « Desde Allá » (son titre original) raconte l'homophobie ordinaire, le dégoût de soi, et le besoin d'une relation père-fils. Le scénario, désenchanté, offre une mise en résonance subtile entre relation et traumatisme. Développant surtout la relation d'attraction-répulsion qu'Armando entretient avec le jeune Elder, qui l'a un jour tabassé et volé, le film de Lorenzo Vigas Castes adopte le ton désenchanté d'une chronique aux sombres enjeux.

Car derrière ce portrait d'un solitaire en apparente recherche de contact, c'est aussi le passé de cet homme et ses relations mystérieuses avec un père fraîchement revenu en ville et qu'il tient à distance, qui sont auscultés en arrière plan. Avec une image d'apparence délavée, proche esthétiquement de certains films de Pablo Larraín, « Les Amants de Caracas » démonte les mécanismes de la dépendance affective et d'une possible attraction physique, suggérant traumatismes et incapacité à construire une relation.

D'une noirceur implacable, le film s'avère d'une remarquable efficacité lorsqu'il aborde l'exclusion et le rejet de toute douceur. Une oeuvre singulière, portée à bout de bras par Alfredo Castro, justement acteur dans « No », « El Club » et « Tony Manero » de Pablo Larraín. Sa composition, entre détresse, perversion et calcul, fait de son personnage un des plus humainement énigmatiques qu'on ait vu depuis longtemps. Jusqu'à la vénéneuse conclusion du métrage, tout au moins.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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