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ALASKA

Un film de Claudio Cupellini

Chaos romantique

Fausto est italien et travaille comme serveur dans un grand hôtel parisien. Nadine est une jeune Française qui démarre – malgré elle – une carrière de mannequin. Lorsque les deux se rencontrent par hasard sur le toit de l’hôtel, la complicité entre eux est immédiate. Mais un incident dans l’hôtel a vite fait d’envoyer Fausto en prison pour un long moment… Le jour de sa libération, Nadine est là pour l’accueillir. Fragile et hésitante, elle entame alors une relation avec lui. Mais à force d’être obsédés par une idée du bonheur difficile à atteindre, les deux amoureux vont être mis à l’épreuve…

Dans un sens, on est clairement en terrain connu : l’idée de deux personnages lancés dans une quête d’amour et de bonheur absolu tout en étant confrontés à une suite d’épreuves (arrestations, accidents, rupture, trahisons, bagarres, etc.) n’est pas sans rappeler le cinéma désespéré d’Abel Ferrara (sur un mode cocaïné), voire la première partie de carrière d’Alejandro Gonzalez Iñarritu (sur un mode plus misérabiliste). La différence vient simplement du fait qu’"Alaska", aussi émotionnellement âpre soit-il, se révèle plus lumineux et finalement moins axé sur la descente aux enfers d’un amour trop extrême. Les personnages du film ne sont pas des figures borderline qui entament une fuite en avant dans l’excès, mais de vrais êtres amoureux, sincères et désespérés, fragiles et déterminés, chez qui l’absolu n’est pas fixé et se doit donc d’être capturé, quel qu’il soit, y compris s’il faut en passer par une suite de hauts et de bas. Et quand la fatalité se met à les frapper sans prévenir, tout devient chaotique, à l’intérieur comme à l’extérieur…

Du début à la fin, le film met les deux personnages dans un système de conflit résultant de leur situation déséquilibrée. C’est, en effet, lorsque tout va bien pour l’un que tout va mal pour l’autre, et vice-versa. Tout entier attaché à ses personnages, au point de limiter une majeure partie de sa mise en scène à leurs échanges verbaux, Claudio Cupellini utilise ce lien conflictuel pour évoquer avant tout un désir d’ascension sociale qui tend peu à peu à noyer les sentiments dans un flou terrible. Le scénario enchaîne ainsi diverses phases de réussite et de déchéance, où la rupture et les retrouvailles se suivent à la manière d’une boucle sans fin apparente. Certes, le réalisateur ne fait pas franchement dans la nuance ni dans la subtilité pour évoquer le dilemme du bonheur (l’obtient-on par l’amour ou par l’argent ?), mais juste pour son brio à assimiler l’ascension sociale à une chaussure et le sentiment amoureux à ce caillou gênant le pied qui s’y trouve, "Alaska" contourne assez de clichés pour réussir à susciter empathie et malaise. Elio Germano et Astrid Bergès-Frisbey y sont évidemment pour beaucoup : leur jeu, fiévreux et viscéral, porte le film à bout de bras. À bout de souffle.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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