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ABOUNA

L’émigration vue par ceux qui restent

Au Tchad, le père de Tahir et Amine quitte le domicile familial – et sans doute le pays – sans en informer ses proches. Plus tard, leur mère les confie à une école coranique…

Abouna film movie

Avec "Abouna", Mahamat Saleh Haroun apporte un regard rare sur l’émigration en se focalisant sur les personnes qui restent au pays, que les migrants laissent en partant. En traitant le sujet à la hauteur d’un enfant et d’un adolescent, il parvient à tisser une tonalité à la fois grave et tendre. Malgré la situation dramatique que vivent les deux frères et leur mère (la disparition du père, parti sans prévenir et ne donnant aucune nouvelle), la première partie est plutôt douce-amère, laissant une place importante à une certaine naïveté de l’enfance, qui parvient à nous faire sourire.

Le réalisateur tchadien en profite aussi pour clamer son amour pour le septième art, le temps de quelques scènes dans un cinéma, quand les deux garçons sont persuadés d’avoir aperçu leur père dans un film puis quand ils viennent voler la bobine. Mahamat Saleh Haroun distille alors quelques éléments de filiations en plaçant dans le décor des affiches comme celles du "Kid" de Chaplin et de "Yaaba" d’Idrissa Ouedraogo. Au-delà de son art, le cinéaste se place aussi comme un héritier lointain de Saint-Exupéry, en faisant lire plusieurs fois l’introduction du "Petit Prince" par ses personnages, faisant écho à l’onirisme que lui-même propose çà et là dans son récit. On retrouve également un peu de cette innocence enfantine dans le titre "Dong-Ding" entonné plusieurs fois par Diego Moustapha Ngaradé, compositeur de la musique du film qui interprète un rôle secondaire – notons par ailleurs la magnifique BO utilisant de nombreux titres préexistants provenant de diverses contrées africaines, dont certains des Maliens Ali Farka Touré et Boubacar Traoré.

Devenant plus sombre dans sa seconde partie, le film critique l’emprise d’un islam sectaire et propose une variation originale du film d’évasion. "Abouna" reste toujours sur un fil, avec la possibilité de basculer vers l’espoir ou le désespoir. Si on pardonne certaines longueurs et le jeu pas toujours convaincant, ce film véhicule un large panel d’émotions.

Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur

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