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A BIT OF A STRANGER

Entre une mère et sa fille, un fossé et la russification

Svelta a quitté Marioupol en 1998, s’installant finalement à Kiev pour travailler. Elle a alors laissé derrière sa fille Sasha, dont sa mère Valya s’est occupée pendant des années. À peine deux semaines avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, elles échangent en visio, n’ayant pas du tout la même perception de ce pays ami ou ennemi…

"A Bit of a Stranger" porte bien son titre, puisqu’il relate les retrouvailles d’une mère et sa fille, laissée par Marioupol enfant auprès de sa grand mère. Des retrouvailles forcées, dues à l’attaque de la Russie sur l’Ukraine en février 2022, dont se serait bien passé la fille, qui entre temps s’est forgée sa propre opinion sur l’influence russe en son pays, elle dont la mère était déjà russophone. Car tout l’intérêt de la première partie du métrage, alors que mère, fille et grand mère correspondent par visios, la réalisatrice évoquant quelques souvenirs d’enfance par de vieux films familiaux, est de montrer à quel point mère et fille se sont éloignées, l’une craignant la Russie mais avouant sa difficulté à parler ukrainien puisqu’elle pense russe, l’autre considérant le pays comme un possible « ami » de l’Ukraine. Une manière de mettre la mère face à un fossé creusé par son geste pris pour un abandon, avant de mettre la fille face à la réalité de la guerre et à un exil forcé à Londres qui sera cependant synonyme de retrouvailles.

Le film s’ouvre lui sur quelques images filmées un an après l’invasion, au téléphone portable par la grand mère. Elle montre des immeubles, aux parois brûlées, et sa maison éventrée. Une entrée en matière qui n’a donc rien d’abstrait et permettra de revenir sur les premiers jours de l’invasion et la difficulté d’avoir des nouvelles hormis par la messagerie Télégram, dont on sait désormais le lien qu’elle a pu jouer alors que les moyens classiques de communication étaient mis à mal. Plongée sans concession au coeur d’une famille désormais composée de 4 générations, "A Bit of a Stranger" expose sans fard les perceptions des uns et des autres (Sasha, qui a eu une fille, Stefy, voit sa mère comme carriériste et infantile) et leur évolution forcée, face à l’empreinte de la Russie, leur histoire commune, pour mieux incarner le déchirement de toute une partie de la population. Comme une affirmation d’une ambivalence qui pointait d’ailleurs déjà son nez dans un film de famille, où pour le nouvel an 2007 on trinquait au discours de Poutine sur la récupération de la Crimée, tout en coupant court à l’hymne national russe.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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