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Gérardmer 2005

Gérardmer 2005 - La mode des enlèvements et tortures

Bras arrachés, reins extraits, mains cloutées, furent quelques uns des sévices corporels que nos chers scénaristes ont eu la bonne idée d’imaginer pour leurs personnages principaux, et ce pour le plus grand plaisir des amateurs de chair fraîche que sont les festivaliers de Gérardmer. Mais cette année, pas véritablement de Gore, mais du suspens et parfois du grand guignol.

Commençons par les exagérations, avec le belge Calvaire et l’américain House of 1000 corpses. Le second étant en réalité un remake de Massacre à la tronçonneuse, on pensait que cette fois-ci l’hémoglobine coulerait peut être à flots. Il n’en est rien, le principe du film initial étant respecté, usant plus de la torture psychique, suggérant les tortures à venir, et jouant ici d’un kitsch encore plus voyant, en remplaçant les bouzeux par des excentriques notoires. Réalisé par un certain Rob Zombie (il fallait oser !), le rire grinçant et jaune domine le film, du coup moins effrayant que l’original ou son remake.

La sensation de crainte devient ponctuellement un sentiment de terreur, véritable moteur de Calvaire, film franco-belge déjà présenté à la semaine de la critique de Cannes. Il faut dire que la description des natifs de Wallonie profonde fini par revêtir un aspect glauque. Les personnages s’enfilant, pour parler cru, des cochons, on peut comprendre qu’une certaine Georgia se soit fait la malle, et ai laissé les mâles en manque de féminité. Du coup, qu’ils décident de déguiser Laurent Lucas en femme et de le crucifier, paraîtrait presque anodin. Malheureusement, l’excès de sévices finit par nuire à la crédibilité du film, pourtant bien ancré dans le présent.

Alors que certains se font donc transpercer les mains, d’autres se font enlever les reins. Dans Koma, dès la première scène, une jeune fille se réveille, entièrement nue, le corps plongé dans une baignoire de glaçons. Devant elle, elle peut lire, écrit avec du sang : appelez le SAMU ou vous mourrerez ! Hormis les nécessités du trafic d’organes, le sadisme n’est pas loin, agitant le mystérieux apprenti chirurgien.

De sadisme il est aussi question dans l’excellent Saw, véritable choc du festival. Deux hommes y sont enchaînés, aux coins opposés d’une pièce, et reçoivent des scies, pour éventuellement se couper eux même les pieds, car l’un a reçu l’ordre de tuer l’autre. Le tueur, qui s’amuse avec ses deux prisonniers, n’en est pas techniquement un, puisqu’il ne tue jamais ses proies, les obligeant à se mutiler elles-mêmes. Et le film, brillamment construit comme un compte à rebours, opère une savante montée d’adrénaline, en présentant en flash back, les récits des autres exploits implacables du monstre. Un film qui marquera les esprits pendant longtemps.

Terminons par ceux qui se moquent des ravisseurs, avec Save the green planet, où un allumé et sa petite amie, kidnappent un patron et tentent de lui faire avouer qu’il est bien se sang royal extra terrestre. L’éventail des tortures laisse hilare : papier de verre sur les pieds, stick déodorant dans les yeux, ou encore sévices sur le sexe, partie sensible s’il en est. A sa manière Ab-normal beauty se moque également du ravisseur contemplant l’instant de la mort, présenté lui aussi comme un pervers, drogué à l’image.

Sérieuses ou non, les tortures provoquent toujours le rejet, non pas du bourreau, mais de la vision de la chose, les regards se détournant souvent du scalpel qui effleure la peau, ou de l’aiguille qui la pénètre. Bizarrement, la répulsion est encore plus forte, lorsqu’elle est suggérée et hors champ. Mais cette année les films de Gérardmer ont forcé le spectateur à voir la cruauté en face, provoquant parfois des réactions de rejet, comme avec Calvaire, pourtant primé à la fin de la manifestation.

Olivier Bachelard Envoyer un message au rédacteur