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Clermont-Ferrand 2024

Festival de Clermont-Ferrand 2024 - retour sur le Programme F6

CRAVE (sève) de Mark Middlewick

4 étoiles

Dans un petit village breton, deux hommes se retrouvent de nuit dans un bar. David, un musicien sud-africain en tournée, se paye les services (sexuels ?) de Sébastien. Après une petite balade dans le village, il rentre dans une chambre d’hôtel où David va se mettre à boire le sang de Sébastien.

Le vampire, monstre par essence protéiforme, s’adapte toujours au monde présent et c’est ainsi que l’auteur se réapproprie cette figure mystique en abordant les relations homosexuelles et prostitutionnelles. On ressent le côté underground de cet univers et avant de découvrir que David est une créature de la nuit tout était déjà posé : de fait l’histoire se déroule une fois le jour passé, nos protagonistes se retrouvant dans un restaurant dans lequel David ne boit pas de vin, ils parlent de l’Église dont le dieu n’accepterait pas sa présence ou d’un pont construit par le diable… Au final, ce film est une plongée atmosphérique réalisée avec brio.

LES PISSENLITS PAR LA RACINE (animation) de Chloé Farr

3 étoiles plus

Coco, une enfant qui fait des cauchemars dans lesquels sa mère et sa tante meurent, se fait réconforter par sa maman qui use de ruses avisées.

Abordant des thèmes forts pour un enfant comme l’abandon, la solitude et l’espoir, ce film, court comme un haïku, nous plonge dans l’imaginaire d’un enfant, tant à travers ses couleurs bigarrées et chatoyantes, que les ruses de la maman qui appelle le commissariat (en réalité sa tante au bout du combiné) pour rassurer sa fille sur les monstres de son imaginaire. Nous y affrontons cette peur de la mort, la première grande terreur d’un enfant. Le film a l’intelligence de nous rappeler à quel point cette première peur peut nous perturber. Il nous le rappelle grâce à ce monstre qui mange la mère et la tante de Coco. L’espace d’un instant, le style d’animation change et laisse apparaître une créature d’un autre registre. C’est si bref et subtil que cela ne perturbera pas le public enfantin mais bien le public adulte. Un petit effet qui, à lui seul, peut prouver le talent d’une réalisatrice.

L’ENVOÛTEMENT de Nicolas Giuliani

4 étoiles

Dans un établissement maraîcher qui accueille et fait travailler des personnes en situation de handicap, un couple d’amoureux, Bruno et Cécile, tous deux déficients mentaux, vit en parfaite harmonie, jusqu’au jour où Lucie intègre l’équipe des éducateurs et que Bruno en tombe amoureux.

Aujourd’hui, les films ne savent plus impressionner, ils ont beau mettre des explosions ils ont du mal à nous époustoufler. Ce film de 46 minutes, joué avec des acteurs déficients mentaux, saura réveiller en vous ce souffle que des pyrotechnies ont éteint. Il est véritablement impressionnant de voir ces acteurs jouer. On notera la mise en abyme de cette performance à travers cet établissement maraîcher qui permet à des personnes déficientes mentales de vivre normalement.

La question que pourrait poser ce film c’est : que se passe-t-il quand Bruno, déficient mental, tombe amoureux d’une animatrice ? Est-ce que la comparaison au jardin d’Eden est voulue ? Cette animatrice est un peu la tentation, le trouble qui vient perturber l’harmonie de ce jardin dont Bruno va s’enfuir. Probablement l'une des réécritures (volontaires ou non) les plus originales du jardin d’Eden.

Le film s’adapte au rythme de ces acteurs pour nous plonger dans leur altérité, pour nous faire découvrir leur monde et leurs émotions. C’est un film envoûtant, et plus on repense, plus il impressionne. Espérons que le public ne se rappellera pas seulement de la démarche du film, mais aussi de son écriture.

MONTRÉAL EN DEUX de Angélique Daniel

3 étoiles

Un couple qui vient de se séparer échange un dernier coup de téléphone pour se répartir les quartiers de Montréal, de sorte de ne pas se croiser par hasard.

Le parti pris de ce film est pour le moins intéressant : vous ne verrez jamais à l’image les personnages, vous ne ferez qu’entendre leur voix à l’autre bout du combiné. À la place de les voir à l’écran ce sont des images de leur ville qui défilent. Ces images, dont nos personnages sont absents, sont comme des fantômes étrangement réconfortants. Un peu comme cet appel absurde d’un couple qui n’est plus, mais qui essaie de garder contact en faisant tout pour ne plus se croiser. Ce film joue sur la contradiction de personnes qui aimeraient se revoir autant qu’elles ne veulent plus se voir. Finalement c’est une manière détournée de garder un souvenir de l’autre quand tout est fini.

QU’IMPORTE LA DISTANCE de Léo Fontaine

3 étoiles plus

Une infirmière quitte en secret son lieu de travail, aidée par une collègue, pour rejoindre une destination inconnue, en faisant tout pour ne pas louper les transports qui l’y amèneront. Elle doit retrouver, pour la première fois depuis de longs mois, son fils détenu en prison.

C’est un film qui porte bien son titre avec cette mère qui enchaîne les transports en commun pour retrouver son fils. À travers cette distance, c’est d’absence dont on nous parle, d’une séparation que cette mère fera tout pour combattre. Cette mère pourra compter sur la solidarité de ses collègues de bureau et d’inconnus pour l’aider à rejoindre son fils. Un film profondément optimiste qui récompensera son public avec des retrouvailles finales. Il n’y a rien de plus satisfaisant qu’un joli dernier plan, et c’est ici réussi avec succès, lorsque cette mère serre son fils dans ses bras.

Yvan Coudron Envoyer un message au rédacteur