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Berlin 2012

Berlin 2012 - En vrac 1 : Shadow dancer, The convoy, Leave it on the floor, Salsipuedes, Keyhole

Hors compétition
Shadow dancer
de James Marsh avec Clive Owen, Andrea Riseborough, Gillian Anderson, Aidan Gillem...

Cruel destin, cruelle famille
En 1973 à Belfast, l'un des enfants d'une famille est tué accidentellement par la police lors d'affrontements. Vingt ans plus tard, la sœur de celui-ci arpente les couloirs du métro londonien et se fait arrêter alors qu'elle était supposée tenter de poser une bombe. Les policiers lui proposent un deal : ne pas l'inculper, en l'échange d'une aide pour arrêter ses deux frères, qui ont commis de nombreux meurtres.

Après quelques premières scènes haletantes, dont celle de traque dans le métro londonien, « Shadow dancer » se transforme en film d'indic, avec classique idylle sous-jacente. Film élégant, dont la musique à suspense ne pallie pas la faiblesse du rythme, il est néanmoins servi par des interprètes portant tous leur lot de souffrance, de Clive Owen (le supposé protecteur, dépassé par les intentions de ses supérieurs), à Andrea Riseborough (la belle, fuyante, devenue indic malgré elle) en passant par celle qui interprète la grand mère, au rôle bien plus trouble qu'il n'y paraît.

Panorama
The convoy
de Alexey Mizgirev avec Oleg Vasilkov, Azamat Nigmanov, Dmitry Kulichkov...

Chassez le naturel...
Un soldat faisant son footing, est rejoint par trois jeunes venus le provoquer. Dans un accès de violence, il les tabasse violemment, chacun leur tour. Convoqué par sa hiérarchie, il se voit assigné une mission lui permettant d'éviter la la cour martiale. Il doit retrouver des déserteurs et ramener l'argent qu'ils sont supposés avoir volé.

Si ce film russe a un mérite, c'est celui de nous plonger dans un Moscou délabré, nous baladant de hangar désaffecté en toilettes publiques poisseuses, en passant par des intérieurs d'appartements délaissés et d'autres lieux des plus sordides. Son personnage central, ambigu, dont le visage est régulièrement éclairé par en dessous, soulignant ses traits les plus durs, apparaît comme l'émissaire diabolique d'une armée tentaculaire et corrompue. Reste que toutes les rencontres faites, si elles mettent justement en avant compromissions et corruption, paraissent toutes artificielles du fait de dialogues pseudo-philosophiques qui apparaissent bien peu naturels dans les situations décrites.

Panorama
Leave it on the floor
de Sheldon Larry, avec Ephraim Sykes, Miss Barbie-Q, Phillip Evelyn, Andre Myers, James Alsop...

Daté mais dynamique
Voici un film militant homosexuel, découvert à Toronto, qui rend hommage à tous ces jeunes gens qui se sont fait virer de chez eux, par des parents peu enclins à la compréhension, et ont fini par se reconnaître dans une certaine communauté. Parti du documentaire ayant gagné les Teddy awards (prix du meilleur film gay et lesbien du Festival de Berlin), « Paris is burning », l'auteur a imaginé celui-ci en comédie musicale.

Cela donne un film improbable, tout droit sorti de la tradition militante de la fin des années 80 – début des années 90, tournant autour d'un club, où s'affrontent des « maisons », en chansons et travestissements. Adopté progressivement par le clan de « Queef latina », pour en devenir la sex-sirène (sorte de gogo-dancer bodybuildé), le personnage principal sera aussi confronté à un choix entre différents hommes le courtisant. Si l'histoire est dans l'ensemble assez simpliste et agace par les excès de codification de ce milieu, si la plupart des scènes sont surjouées, on reconnaîtra tout de même que toute la troupe est constituée de chanteurs et danseurs, non seulement de qualité, mais qui mettent tout leur cœur à l'ouvrage. Il est alors plutôt aisé de se laisser aller aux refrains lancinants de « I'm a loser » ou « Your drama... leave it on the floor », ou de succomber au charme du sublime vidéo-clip que constitue « Justin's gonna call ». Un film daté, mais partiellement efficace.

Forum
Salsipuedes
de Mariano Luque, avec Mara Santucho, Marcelo Arbach, Mariana Briski...

Petit répit dans le face à face avec un mari violent et bête
Le premier plan s'éternise sur une femme, assise dans une voiture et écoutant de la musique. En arrière plan, un homme s'affaire, tentant de monter une tente de camping. Puis la situation du couple est posée en quelques secondes, l'homme monte dans la voiture, éteint la musique, s'énerve, frappe sur le toit. Elle, tourne légèrement le visage, laissant apparaître un œil au beurre noir.

« Salsipuedes » est une chronique argentine, située sur un week-end, où l'espoir d'entente entre un homme et une femme, réveillé par cette échappée d'une vie quotidienne vraisemblablement pesante, s'étiole peu à peu. La construction est remarquable. Après le moment de tension initiale, une accalmie doucereuse s'installe grâce à l'arrivée de la mère de Tutuca et de sa sœur. Mais une fois parties, le face à face retrouvé avec le mari, Rafa, nous fait craindre le pire. Un simple retard à un rendez-vous, une discussion autour d'une bière, peut finir en engueulade... Alors qu'espérer des réels moments d'intimité ? Un récit désabusé, entre chaleur estivale et torpeur relationnelle, matinée de toute la lourdeur d'un macho à l'humour pathétique.

Berlinale special
Keyhole
de Guy Maddin, avec Jason Patric, Isabella Rosselini, Udo Kier, Brooke Palsson, Kevin McDonald...

Fouillis
On attendait avec impatience la nouvelle folie de Guy Maddin, auteur des plus originaux, adepte des films muets (« Des trous dans la tête »), ou d'œuvres romantiques, inspirées des films des années 20 (« The saddest music in the world »). La déception fut d'autant plus rude avec la projection de « Keyhole » (en français « Ulysse, souviens-toi ! »), film de gangsters sur fond de prohibition, hésitant entre années 30 et 50, sous-tendu par des références mythologiques bien obscures.

Si la forme est toujours aussi intriguante (utilisation de projections sur toiles ou rideaux, noir et blanc laiteux, montage stroboscopique...), le fond reste des plus obscurs. L'humour décalé fonctionne bien plus visuellement (la tentative de viol d'une soubrette noire, par derrière, qui finit en électrocution, l'invention de la version « maison » de la chaise électrique...), mais laisse songeur au niveau des dialogues. Cette étrange dichotomie entre des dieux situés au grenier, et capables de voir les humains ou leurs descendants depuis un trou de serrure, dans n'importe quelle pièce de la maison, ne passionne guère, et laisse globalement sur sa faim. Une évocation cauchemardesque et lointaine d'Omer.

Olivier Bachelard Envoyer un message au rédacteur