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PARCOURS : Ridley Scott, le gladiateur de l'image

Au même titre qu’un James Cameron ou qu’un Michael Mann, Ridley Scott fait partie de ces réalisateurs ayant émergé à la fin des années 70 et explosé dans les années 80 grâce à une imagerie forte et très représentative. Mais, au contraire des deux Nord-Américains cités précédemment, l’Anglais possède déjà un background visuel important, car il l’est l’un des pionniers de ceux qui arriveront vers le cinéma depuis le monde de la pub et des clips.

Avant de réaliser son premier long métrage, Ridley Scott aurait tourné plus de 3 000 pubs. Nous ne sommes qu’au milieu des années 70. L’homme maîtrise parfaitement son sujet et ses tournages, et il est impatient de passer à la vitesse supérieure. C’est chose faite avec le magnifique "Les Duellistes" (1977), interprété par Harvey Keitel et David Carradine. Cette histoire de deux officiers napoléoniens qui vont passer leur vie à vouloir s’affronter en duel pour une broutille est une succession de tableaux filmés. Chaque image est magnifique et semble avoir été tournée pour rendre cette impression de peinture filmée à l’écran. La marque de Ridley (et de la famille Scott) est déposée : une forme visuelle puissante et recherchée au service d’un fond pas forcément de première importance.

C’est véritablement avec ses deux films suivants que Ridley va rentrer dans la cour des grands, deux films se trouvant désormais au panthéon de la science-fiction : "Alien" (1979) et "Blade Runner" (1982). Ces deux oeuvres, que l’on ne présente plus, sont acclamées. À une époque où les sabres lasers faisaient la loi, elles réussissent à s’imposer et à proposer un spectacle adulte et visuellement toujours au top. Ridley l’a dit lui-même récemment : « J’ai l’impression que depuis "Blade Runner", la SF n’a proposé aucun bon film ». Même si cela fait un peu prétentieux, il n’a qu’en même pas complètement tort. Aucun film n’est arrivé à ce parfait mélange de lyrisme et de profondeur sur le sens de la vie, tout en marquant visuellement une génération tout entière. Même s’il est moins resté dans les mémoires, "Legend" (1985) s’attaque au genre de la fantasy pure et dure. Ridley prend le parti de raconter ce conte de fée fantastique en le traitant comme il se doit, et pas en cherchant (comme cela se faisait à l’époque) à le rendre médiévalo-réaliste ("Ladyhawke", "Conan").

Afin de ne pas s’enliser dans un genre et probablement pour rechercher de nouveaux défis, Ridley va s’attaquer à un autre style de films, sans pour autant oublier l’importance visuelle de son œuvre : "Someone to Watch Over Me" / "Traquée" (1987), "Black Rain" (1989) et "Thelma et Louise" (1991) pourraient constituer une sorte de trilogie policière. Si le premier est aujourd’hui tombé dans l’oubli, alors qu’il n’est pas dénué de qualités,  le deuxième peut être vu comme une version plus contemporaine de "Blade Runner", qui souffre probablement d’être sorti dans les années 80, même si Tokyo est intemporelle et n’est pas sans rappeler le Los Angeles futuriste du film avec Harrison Ford. Par ailleurs, "Thelma et Louise" possède une très forte notoriété, surtout due à son couple d’actrices, le public oubliant souvent, c’est bien connu, le nom de la personne qui se tient derrière la caméra. On y retrouve pourtant bien le style de Ridley.

Fort d’être sorti plutôt gagnant des années 80, Ridley Scott va s’attaquer à l’un de ses projets les plus ambitieux, et qui va l’entraîner dans les abîmes des années 90. "1492" (1992) est un échec aussi bien commercial que critique. Trop ambitieux ? Peut-être, ce qui ne semble pas être un défaut le devient lorsque les résultats ne sont pas au rendez-vous. Les deux films suivants, "Lame de fond" en 1996 et "À armes égales" l’année suivante, sont les plus faibles de sa carrière et l’enferment dans ce qui peut arriver de pire pour un réalisateur : la ringardise ! Ridley s’est enlisé pendant ces années, où parallèlement, son frère Tony Scott, le protégé de Jerry Bruckheimer depuis "Top Gun" (1986), va plus s’imposer et se révéler. On a tendance à l’oublier maintenant, mais à la fin des années 90, Ridley Scott n’est plus un réalisateur dont on se préoccupe.

© Pathé Distribution

C’est à ce moment que LA bombe (à défaut d’être son meilleur film) de sa carrière arrive. Il faut bien se re-situer dans le contexte : un réalisateur has-been tourne un péplum, genre sous-estimé et peu attirant, avec un acteur australien que presque personne ne connaît. Personne ne pouvait s’attendre au succès de "Gladiator" (2000) et à tout ce qui s’est ensuivi : accueil exceptionnel auprès des critiques comme du public, Oscars, et retour du succès pour Scott. Du jour au lendemain, celui qui était considéré comme « fini » se retrouve auréolé. Lui que l’on appelle désormais Sir Ridley Scott va en profiter pour adopter un rythme de tournage stakhanoviste : 8 films en 10 ans ! Les années 2000 sont les plus prolifiques de sa carrière : "Hannibal" (2001) n’a rien a envier aux épisodes précédents (le "Manhunter" / "Le Sixième Sens" de Mann et "Le Silence des agneaux" de Demme) et est un habile hommage au cinéma fantastique italien ; "Les Associés" en 2003 et "Une grande année" en 2006 restent deux films sympathiques sans grandes envergures, mais bien mieux maîtrisés que ce qui se fait dans le genre. "American Gangster" (2007) et "Body of Lies" / "Mensonges d'État" (2008) marquent ses 3e et 4e collaborations avec Russel Crowe. Mais ce qu’il faut surtout retenir de cette période est "La Chute de faucon noir" (2001), révolution visuelle sous-estimée sur les événements survenus en Somalie au début des années 90. Il est davantage question d’un film sur les soldats que sur la guerre. Fort d’un casting solide et de personnages charismatiques, Scott livre une fusillade de 2 heures sur l’enfer du combat. Enfin, la pièce maîtresse de Scott, son meilleur film depuis "Blade Runner", est la version Director’s cut (l’homme en est, tout comme Cameron,  un habitué) de "Kingdom of Heaven" (2005), chef-d’œuvre de virtuosité visuelle et narrative.

Informations

Si "Robin des Bois" est surtout attendu pour le grand retour de Russel Crowe avec une épée (et un arc) derrière la caméra de Scott, 10 ans après le succès de "Gladiator", les cinéphiles du monde entier attendent surtout les deux préquelles d’"Alien". Rendez-vous en 2012 et 2013.

Filmographie sélective :
Les Duellistes (1975)
Alien (1977)
Blade Runner (1982)
Legend (1985)
Black Rain (1989)
Thelma et Louise (1991)
1492 (1992)
À armes égales (1997)
Gladiator (2000)
La Chute du faucon noir (2001)
Kingdom of Heaven (2005)
American Gangster (2007)
Robin des Bois (2010)

François Rey Envoyer un message au rédacteur

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