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REVENGER

Un film de Walter Hill

(Re)Chute d’un cinéaste fatigué

Une chirurgienne emprisonnée pour travail illégal et lien avec une organisation criminelle raconte à un psychiatre ce qui l’a menée derrière les barreaux : le meurtre de son frère toxicomane, le désir de retrouver son assassin et la vengeance qu’elle a mise à exécution. Une vengeance pour le moins spéciale : elle aura été jusqu’à kidnapper le meurtrier – un jeune tueur à gages nommé Frank Kitchen – et à le transformer en femme. Mais celui-ci, furieux de sa nouvelle enveloppe corporelle, n’a pas manqué de se rebiffer…

Sortie en e-cinema le mercredi 22 mars 2017

Le très moyen "Du plomb dans la tête" l’avait bien démontré : ce n’est pas avec une star bankable, des scènes d’action grabataires et un scénario aussi épais que du fil dentaire que l’on pouvait s’attendre au retour de la série B badass et violente qui avait joliment pris racine dans les années 70-80. Mais le simple fait de voir le papy Walter Hill à la réalisation s’avérait encore plus décevant : lui qui avait su longtemps incarner une mouvance du polar urbain cool et classieux ("Driver", "Les Guerriers de la nuit", "Streets of fire", "48 heures") semblait avoir perdu son énergie, surtout après bon nombre de projets ratés (dont le méga-bide "Supernova") et quelques séries B minimales vite oubliées (dont le carcéral "Un seul deviendra invincible"). Une sensation qui se confirme avec " (Re)Assignment", dont le pitch de vigilante transgenre promettait pourtant monts et merveilles.

L’idée de voir Michelle Rodriguez ("Fast & Furious") dans un rôle de tueur viril transformé en femme lors d’une chirurgie esthétique imposée était assez marrante en soi, pour ne pas dire prometteuse au vu des possibilités de récit que cela pouvait amener. Surtout que l’actrice, réputée pour ses rôles musclés, était clairement le choix idéal. Problème : dès les premiers plans où elle apparaît moustachue et barbue – avec une voix lourdement rauque qui sonne faux du début à la fin –, on a juste envie d’hurler de rire. Difficile de savoir si le problème vient de son jeu (on dirait que non) ou de la façon qu’a Walter Hill d’iconiser son personnage (on dirait que oui), mais l’impression de voir vraiment une tueuse travestie en homme supplante tout ce qui se passe à l’écran, laissant croire à une comédie involontaire et réduisant à néant notre suspension d’incrédulité. Le spectre du racolage s’invite même à la fête lorsque Hill éprouve le besoin de déshabiller son personnage de tueur, histoire de nous prouver qu’il a les pecs d’un homme et un gros pénis entre les jambes : non seulement l’effet est juste atterrant, mais il ne fait qu’alimenter la sensation d’assister à une parodie. Le fou rire redouble même de puissance lorsque Rodriguez découvre son corps de femme dans un miroir (ce qui était troublant dans "Under the skin" vire ici au grotesque), quand elle emballe une jolie infirmière (un vrai-faux trip lesbien qui n’émeut jamais) et enfin lorsqu’elle flingue les vilains (très peu de balles tirées, au final…).

Outre un pitch de départ que la mise en scène de Hill rend totalement improbable, il faut aussi noter que le scénario, ampoulé des clichés les plus éculés du vigilante, n’a rien à proposer. Pas de séquences explosives qui nous collerait au fauteuil, pas de répliques sentencieuses au fort potentiel culte, pas de seconds rôles barrés qui constitueraient de solides adversaires. En somme, le protagoniste tue des gens, généralement avec une balle dans la tête, et ça s’arrête là. Le reste du temps, Hill se retrouve contraint de meubler avec d’interminables palabres entre une chirurgienne cinglée (pauvre Sigourney Weaver) et un docteur bavard (Tony Shalhoub), où chaque information se voit répétée plus de cinq fois au gré des dialogues (Hill n’avait-il donc rien à raconter au point de devoir ainsi combler les trous du récit ?). Ce genre de narration neuneu n’aide en rien le découpage du récit, pourtant calé sur une logique de bande dessinée (le film est l’adaptation d’un comic-book coécrit par Hill), à faire preuve de dynamisme et d’audace. Ce qui ressort de tout ça n’est rien d’autre qu’une série B sénile, nouveau signe d’un cinéaste clairement fatigué qui a perdu quasiment tout son mojo.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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