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Redessan 2023 : 9ème Festival de cinéma argentique en plein air

11 juillet 2023
© Association Jean-Paul Boyer

Un peu d’Histoire pour commencer… Si l’on doit remonter l’historique de ce « Festival de cinéma argentique en plein air », il faut tout d’abord remettre en lumière un certain Jean-Paul Boyer (1921-1974), figure emblématique de la restauration de films de patrimoine dont le parcours a de quoi laisser admiratif. Natif du petit village gardois de Redessan, l’homme a, dès ses plus jeunes années, mis à profit sa passion pour la physique en confectionnant des projecteurs et caméras jusqu’à travailler sur l’animation en relief au sein d’un petit laboratoire improvisé dans une remise. Une fois installé à Paris dès 1945, Boyer a gravi peu à peu les échelons, travaillant dans divers domaines techniques, dont certains relatifs à l’animation, au système de résolution écran large et au développement de nouvelles optiques. S’il réalisa en parallèle un certain nombre de courts-métrages d’animation (dont le fameux "Insomnies", considéré comme le premier dessin animé en couleurs et en relief), c’est avant tout son travail sur la restauration de films qui fit impression. Deux rencontres ont été déterminantes. D’abord André Debrie, célèbre constructeur de matériel cinématographique qui le nomma chef de laboratoire de son Centre de recherche parisien. Ensuite Henri Langlois, célèbre cofondateur de la Cinémathèque française qui, en 1953, chargea alors Boyer de mettre à profit ses outils techniques pour tirer les négatifs d’un film des frères Lumière, alors trop abîmé pour être projeté. Et le miracle fut !

Redessan 2023 9ème Festival de cinéma argentique en plein air Jean-Paul Boyer

Jean-Paul Boyer (© Hervé Collignon)

Là où la pellicule à support nitrate avait une fâcheuse tendance à se détériorer sous l’effet de l’humidité ou de la moisissure au fil du temps, la méthode de restauration mise en place par Boyer a permis non seulement de préserver la netteté des images mais surtout d’aboutir à une copie d’une qualité inégalée. Jugée révolutionnaire à l’époque, cette méthode a été par la suite exposée dans plusieurs festivals. Une fois revenu à Redessan à la fin des années 50, Boyer inaugura ses propres laboratoires cinématographiques dans le moulin à huile familial. Les procédés qu’il inventa alors ont permis d’offrir une nouvelle jeunesse à des films – souvent considérés comme perdus – de George Méliès, de Max Linder, de Buster Keaton, de Charlie Chaplin et même des frères Lumière ! Il n’en fallut pas davantage pour que le nom de Redessan résonne à l’oreille des producteurs et des cinémathèques du monde entier, tous n’ayant alors de cesse que de confier leurs bobines les plus précieuses au Laboratoire Boyer. Le travail visionnaire de Jean-Paul Boyer perdura encore pendant plusieurs années jusqu’à ce qu’un cancer ne vienne le terrasser en avril 1974 et que son laboratoire ne mette à son tour la clé sous la porte en 1983. Pour ce précurseur qui a su faire en sorte qu’un petit village gardois laisse une trace tout sauf négligeable dans l’Histoire du 7ème Art, l’histoire aurait pu s’achever ici, par un simple point final. Ce furent finalement de vrais points de suspension…

C’est à partir de l’année 2015 que l’association « Jean-Paul Boyer, Culture & Cinéma » voit le jour à Redessan afin de perpétuer sa mémoire et de saluer sa contribution au patrimoine cinématographique. Créée à l’initiative d’Aurélien Colson et de Benoît Baillet, et avec le soutien plein et entier de la famille Boyer, l’association compte aujourd’hui plusieurs centaines d’adhérents, aussi bien en France qu’à l’étranger, et a obtenu le soutien du CNC et de la Cinémathèque française. À l’instar de diverses actions et conférences organisées chaque année, le Festival de cinéma argentique en plein air de Redessan s’inscrit en continuité directe de ce travail de mémoire. En effet, sa spécificité consiste à projeter exclusivement des films en pellicule argentique 35mm sur un écran géant de 12 x 6 m, via une programmation choisie au préalable par les adhérents de l’association, et le tout accompagné d’une série d’événements musicaux précédant ces projections à la belle étoile. Le tout, bien entendu, dans un pur esprit de partage et de communion.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette manifestation n’a jamais cessé de voir sa réputation et son public grossir d’une année sur l’autre, bénéficiant d’une aura toujours plus prestigieuse, surtout au vu d’une 7ème édition qui, en 2021, alla jusqu’à susciter l’intérêt de la presse nationale en raison de la célébration du centenaire de la naissance de Jean-Paul Boyer. Les cinéphiles lyonnais que nous sommes, habitués à la remise en avant du cinéma de patrimoine au travers de la programmation de l’Institut Lumière et du Festival Lumière, ne peuvent en tout cas que saluer et applaudir une telle démarche. D’autant que, face à la prédominance toujours plus accentuée du format numérique, la remise en lumière de ces imposantes bobines de pellicule argentique a plus que jamais valeur de devoir de mémoire, qui plus est à l’heure où de nombreux cinéastes de renommée mondiale, de Martin Scorsese à Christopher Nolan en passant par Quentin Tarantino, mettent un point d’honneur à préserver coûte que coûte le tournage et la projection en pellicule, autant par respect du patrimoine que par liberté du cinéaste à opter pour le format qui lui sied le mieux.

Pour cette 9ème édition (du 3 au 6 août 2023), toujours située dans la cour de l’école Marcel Pagnol de Redessan et là encore élaborée en partenariat avec Gaumont, le CNC et la Cinémathèque française, tout est d’ores et déjà prévu pour honorer les promesses d’une célébration chaleureuse, décontractée, estivale et véritablement populaire, en tous points éloignée de ce ramdam médiatique et publicitaire qui caractérise la cuvée cannoise chaque mois de mai. Plus que jamais, l’heure est ici à la mise en valeur du patrimoine, à la magnificence de la projection argentique, à la célébration de ces « artisans de l’ombre » trop souvent relégués au second plan que sont les techniciens, et bien évidemment à cette lumière et à ce bruit si caractéristiques du projecteur 35 mm qui ne manqueront pas d’animer la nuit étoilée comme ils ont déjà tant fait dans nos si précieuses salles obscures. En tout cas, cette année, nous ne manquerons pas de prendre le pouls d’une telle célébration.

Programmation de cette année :

  • Jeudi 3 juillet : "Cent mille dollars au soleil" d’Henri Verneuil
  • Vendredi 4 juillet : "Talons aiguilles" de Pedro Almodóvar
  • Samedi 5 juillet : "L’Eté meurtrier" de Jean Becker
  • Dimanche 6 juillet : "Macadam Cowboy" de John Schlesinger

Infos pratiques sur le site de l’association : https://www.boyer-cinema.fr/

Guillaume Gas Envoyer un message au rédacteur
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