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Un film de Haim Tabakman

Renaître au contact de l'autre

Aaron est un juif orthodoxe pratiquant, qui à la mort de son père hérite de la boucherie familiale. Préparant la réouverture du magazin, il embauche un jeune homme récemment arrivé en ville, Ezri. Mais ce dernier est venu à Jerusalem pour retrouver quelqu'un... un prétendu "ami"...

Le début du film apparaît relativement austère. Dans une rue sans âme, un homme fait céder le cadenas d'un rideau métallique baissé. Il enlève un avis de décès placardé à même le mur et entre préparer cette réouverture après deuil, d'un magazin que rien ne distingue des autres. Il ignore que le premier contact qu'il va avoir avec un jeune homme réfugié chez lui à cause de la pluie, scellera bientôt son destin. Car cette réouverture ira de paire avec celle de son coeur, enfoui sous des tonnes de béton gris, sous des amas de conventions religieuses et sous des monceaux d'obligations familiales.

Le réalisateur a forcément souhaité jeter un pavé dans la marre, en mettant en scène, en plein Jerusalem, l'hsitoire d'amour naissante entre deux hommes, tous deux pratiquants, mais faisant partie d'une des communautés les plus extrémistes. Lentement, à l'image de son personnage principal, carré jusque dans ses coupes de cheveux et de barbes, qui se meut avec peine, portant visiblement un poids qu'il ne peut qualifier, Tabakman crée un lien indéfectible entre ses deux personnages. Tout d'abord à force de pratique de l'étude, puis de discussions (sur le monde et l'amour que l'homme doit porter aux difficultés). Mais c'est surtout grâce à une sortie hors de l'opressante Jerusalem que leur amour verra le jour, en un lieu fondateur: une source.

Cet endroit reviendra vers la fin du film, comme le symbole d'un possible avenir que le héros ne peut initialement choisir. Ceci parce que comme le dépeint justement le réalisateur, la communauté qui a fait jadis son bonheur, use de pratiques d'intimidation, même vis à vis de couples hétéros non approuvés par les pairs, de procédés lamentables, loin de toute générosité, comme la délation ou la propagande. Mais c'est face à cette persécution que le lien entre Aaron et Ezri devient indéfectible, forçant chacun à choisir son "bien". Mais il y a des choses que l'individu ne peut éviter, quand la foule devient aveugle, quand la croyance devient peur de l'autre, de la différence, quand l'intelligence fait place à la logique du troupeau. Un film à voir absolument en ces temps de retour des pires intégrismes.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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