NE ME TUE PAS

Un film de Andrea De Sica

L’amour mort et l’amour mord

La jeune Mirta meurt d’une overdose avec son petit ami. Mais elle ressuscite…

Ne me tue pas film movie

Sortie le 20 février 2022 sur Netflix

Au premier abord, "Ne me tue pas" a des airs de teen movie fantastico-romantique à la "Twilight", avec son héroïne fascinée par un jeune homme ténébreux et rebelle. Mais la mise en scène ne lorgne pas vraiment vers le blockbuster, avec un rythme relativement lent, une atmosphère sombre voire glauque, une bande-son qui n’exploite pas forcément les goûts de la jeunesse lambda, ou encore une brillante fluidité dans la manière d’introduire les flashbacks. En fait, Andrea De Sica (petit-fils de Vittorio) prend un malin plaisir à jouer avec les codes en donnant régulièrement l’impression de les suivre pour mieux les détourner ou les réinventer – à commencer par le statut post-mortem de Mirta, qui est peu identifiable car tenant à la fois du zombie et du vampire. On est donc face à une proposition d’hybridation plutôt réussie, qui se situe à mi-chemin entre le film d’auteur et le film grand public.

Certains passages sont moins convaincants, soit parce qu’ils font preuve d’une certaine naïveté soit parce qu’on peine à cerner l’intérêt de certaines idées (comme le pote secrètement amoureux ou la découverte de l’adultère d’un personnage), d’autres peuvent paraître intrigants ou confus (mais dans ce cas, c’est souvent volontaire puisque la compréhension vient a posteriori). Dans l’ensemble, le long métrage construit toutefois une ambiance saisissante dans laquelle on se laisse facilement embarquer. Et surtout, le film prend toute sa valeur quand on comprend son sens métaphorique.

Attention, spoiler : il est fortement recommandé de ne pas lire le dernier paragraphe sans avoir vu le film !

La fin du film permet de comprendre qu’il s’agit en fait d’un plaidoyer pour le respect du consentement et qu’il parle plus largement des rapports de domination au sein d’un couple et dans la société patriarcale en général (à ce titre, ce n’est pas un hasard si c’est une autre femme, Sara, qui devient l’alliée voire la mentor de Mirta après sa mort). Le retournement de situation est en effet le suivant : Robin a abusé de la confiance de Mirta et manipulé ses sentiments et ses faiblesses. La scène initiale de suicide a rétrospectivement des saveurs de viol : Robin profite de l’amour et des désirs de Mirta pour lui imposer des actes qu’elle n’accepterait pas si elle était pleinement au courant des conséquences et si elle n’était pas soumise à une personnalité intimidante vis-à-vis de laquelle elle se sent inférieure. "Ne me tue pas" évoque ainsi le caractère pernicieux des abus de faiblesse, qui peuvent conduire à brouiller les repères en termes de consentement.

Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur

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