LOVE AND BRUISES

Un film de Lou Ye

CONTRE : Niveau -1 - Tahar Rahim, pépite de cette poussive histoire

Hua, une jeune chinoise venue à Paris pour ses études et pour retrouver un petit ami français qu’elle avait rencontré à Pékin, apprend que celui-ci ne l’aime subitement plus et qu’il souhaite mettre fin à leur relation. Effondrée, elle erre dans les rues de Paris où un monteur de marché la heurte accidentellement à la tête. Après lui être venu en aide, le jeune homme insiste pour l’inviter à déjeuner…

Lou Ye avait fait les beaux jours de Cannes il y a quelques années avec « Nuits d'ivresse printanières », film gay tourné sous le manteau, alors récompensé pour son courageux scénario, narguant une Chine sociologiquement figée. Le voici qui nous propose son nouveau film, tournéen France, loin des compétitions cannoise ou même vénitienne, relégué en ouverture des Venice days (le journées des auteurs), section parallèle de la Mostra. Cette histoire, filmée dans les rues parisiennes, est adapté du roman « Bitch » (salope) renommée « Love and bruises » (de l'amour et des bleus) pour mieux signifier que sa version ne sera pas uniquement centrée sur le personnage de la fille.

Cette histoire de passion amoureuse entre une étudiante chinoise et un jeune monteur de structures sur les marchés des boulevards, ne convainc malheureusement pas un seul instant. Après une scène de séparation plutôt réussie, le réalisateur capturant l'essence de la détresse de son héroïne, lui collant au corps, caméra à l'épaule. De cette errance déboussolée dans les rues de Paris, le récit va vite s'enliser, tout comme la mise en scène, dans la peinture d'une relation impossible entre une intellectuelle cultivée et un manuel au charme brut, dont la jalousie maladive est amenée à tout détruire. Incapable de lâcher sa caméra à l'épaule, Lou Ye cessera d'observer ses deux jeunes chiots qui s'agressent réciproquement, tenant à distance un spectateur qui souffrira bien peu pour eux.

Partant d'un viol, le réalisateur nous impose également de récurrentes scènes de sexe, plus cliniques que charnelles, qui hormis les bruyants orgasmes répétés de la fille, ne nous montrent aucun signe de plaisir partagé. L'amour disparaît, le sexe devenant tentative de soulagement, ou simple moment d'oubli de soi. Le fossé entre les deux jeunes gens est grossièrement dépeint, notamment lors d'une poussive scène de repas, tandis que le portrait de la jeune fille reste à l'état d'ébauche, celle-ci apparaissant au final comme plus opportuniste que réfléchie.

Reste la prestation de Tahar Rahim, dont le personnage, au charme rustre et à la spontanéité désarmante, ferait malheureusement presque sourire à force de naïveté adolescente. Il accumule en effet les dialogues les plus clichés, du type « tu trouveras jamais quelqu'un qui t'aime comme moi », « je pourrai plus jamais aimer » ou « toutes me traitent comme une merde ». Si bien entendu de jeunes inexpérimentés, ayant une vision absolue de la vie à deux, existent, ils n'ont pas tous heureusement une tendance à accueillir la première immigrée qui passe (voire le flash-back risible révélant son passé avec une jeune black). En sortant du film, on a juste envie de serrer quelqu'un dans ses bras, en se disant que non, tous les viols ne se terminent pas en étreinte.

Eric NuevoEnvoyer un message au rédacteur

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