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HÉROES

Un film de Pau Freixas

Quedate conmigo

Alors qu’il entame un virage, un conducteur d’une quarantaine d’années se retrouve à freiner brutalement face à un gamin étendu sur la route. Après avoir aidé le gosse à se relever, d’autres sortes de derrière une haie et le bombardent de fruits, tâchant irrémédiablement son costume. En chaussures et chaussettes il croise le chemin d’un jeune auto-stoppeuse, qui accepte de monter avec lui. Ensemble, ils vont faire un bout de chemin…

Ce petit film catalan a obtenu le prix du public au Festival du film espagnol de Malaga 2010 et l'on comprendra vers la fin pourquoi. « Héroes » est une charmante histoire d'une rencontre, baignée à la fois dans un été lumineux, la douceur de l'enfance et l'insouciance des années 80. On y suit à coups de flash-backs, l'été le plus marquant d'une bande de gamins. La construction est simple, et met en parallèle les tensions entre la jeune femme, au tempérament libre (voire libertaire), sorte de vagabonde sans engagement et le conducteur de la voiture, entrepreneur sérieux et rigide (qui certes, attention cliché, dispose d'une voyante paire de lunettes...) et les souvenirs de jeunesse d'un groupe de 4 enfants qui cherchent désespérément un cinquième pour participer au défi local (gagner la cabane située dans un arbre pour une année entière...).

L'âge des gamins, leurs premiers-émois, les défis qu'ils se lancent, leur façon de se confronter au monde, font forcément penser à un classique du genre, « Stand by me » de Rob Reiner. Tout est là, concentré en une heure de trente de temps, les enjeux futiles de jeunesse, les rivalités entre bandes inoffensives, le temps qui commence à passer, inexorablement (la construction du barrage qui engloutira le village se profile progressivement...). Tout cela sent bon une nostalgie assumée, voire dépassée. Et celle-ci se dématérialise subitement lorsqu'on croise, au détour d'une scène, des tubes, comme le « Big in Japan » ou le « Forever young » d'Alphaville, plutôt appropriés (même si, il faut l'avouer, je suis un fan – nouvel album « Catching rays of giants » en vente sur internet depuis novembre...).

Se laisser porter est alors facile, l'opposition entre adultes blasés ou malheureux et promesses de jeunesse étant toujours efficace. Cette promesse que la jeune femme de la voiture a faite à un autre, de « toujours vivre de beaux moments » participe certes d'une construction dramaturgique certes un peu facile, mais qui peut rencontrer malgré tout une certaine résonance. D'autant plus que les interprètes, enfants comme adultes, sont crédibles de bout en bout, et que le dénouement, partiellement inattendu, risque fort de vous arracher quelques larmes. Il y a parfois des souvenirs que l'on oublie pas, des gens qui restent auprès de vous longtemps, même s'ils sont sortis de votre vie, des gens à qui l'ont doit beaucoup, comme des pans entiers de soi. Chercher à les retrouver est tentant, mais n'est pas quelque chose d'évident, ni de facile à vivre. « Héroes » parle de ces gens là et des liens invisibles avec ceux qui restent des proches, malgré le temps, malgré l'absence, et à qui l'on a voulu dire un jour: « Queda(te) conmigo » (« reste avec moi ») sans forcément oser.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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