FARUK

Un film de Aslı Özge

Être transparent pour la société

Une réalisatrice décide de filmer son père, Faruk, âgé d’environ 90 ans, alors que son immeuble à Istanbul va être rénové thermiquement ou potentiellement détruit, pour faire place à un projet d’immeubles plus modernes. Un projet pour lequel il doit donner son accord…

"Faruk" est un documentaire-fiction qui choisit une nouvelle fois de donner à voir une partie de son dispositif (après notamment "Les Filles d'Olfa" l'an dernier). Les premières scènes nous montrent en effet toute une équipe de tournage envahissant l’appartement de celui-ci, puis dans l’accompagnant dans la rue. Une manière de nous impliquer dans la réalité de la vie de cet homme, mais surtout de nous montrer que la plupart des situations ont été rejouées, voire transformées, pour mieux en tirer par moments une signification.

Ainsi la réalisatrice demande au début à son père torse nu, de regarder ses muscles (tombants), mais aussi d’effectuer une petite danse, posant ainsi la forme physique persistante et la réactivité de cet homme, malgré son âge avancé de près de 90 ans. Un point qui sera par la suite fortement discuté, par ceux qui voudraient qu’il ait le moins d’exigences possibles concernant le projet immobilier. Et surtout un point que la mise en scène va s'attacher de désamorcer, en montrant la pertinence de ses questions en réunion par rapport à celles de voisins pourtant plus jeunes, ou lors d’une humiliante scène de test d’aptitudes face camera, visant à prouver son autonomie et sa lucidité.

Si le portrait possède un point réellement positif, c’est dans sa manière de montrer la solitude de l’homme (sa fille, à l'étranger, l'appelle peu souvent, et pour évoquer des problèmes d'hypothèque ou d'argent), et surtout sa transparence aux yeux de la société. La scène du début, où deux femmes qui discutent, le dépassent en passant chacune d’un côté différent, est très signifiante de ce point de vue : celles-ci agissant comme s’il n’existait pas. Il en est de même pour les réunions autour du projet où sa capacité à questionner le projet est d’emblée niée, la scène avec les deux architectes étant particulièrement croustillante.

Mais la visibilité du dispositif n’est finalement d’aucune utilité, rappelant peut-être juste que l’égoïsme de la fille est une fiction), et venant plutôt paraliser un récit déjà souvent apathique, notamment une fois l’appartement quitté pour faire place aux travaux. Restent quelques petits moments de comédie (l'ami en permanence houspillé à table, ou quand il mange trop...), quelques très beaux plans (avec son parapluie face à un Ferry...), un point de vue sur la transformation immobilière de certains quartiers d'Istanbul, et surtout le triste constat d’une perte progressive de l’énergie nécessaire pour survivre en société. Au delà, le film propose aussi quelques bribes d’une relation père-fille à distance, qui s’avère particulièrement cruelle vers la fin, et que l’on aurait aimé plus visible dans le film.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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