SOUND OF FREEDOM

Le son du vide

Un ancien agent fédéral se lance dans des opérations clandestines pour sauver des enfants d’un terrible trafic sexuel…

Sound of freedom film movie

Drôle de destin que celui du film "Sound of Freedom", dans la mesure où l’on estime que la situation peut encore être risible. Initialement, le métrage devait sortir sous l’égide de la 20th Century Fox peu après son tournage en 2018. Mais le rachat de la compagnie par Disney a envoyé le projet au fin fond d’un tiroir, rouvert en 2021 par un studio spécialisé dans les œuvres visant un public chrétien. Durant l’été 2023, alors que le phénomène Barbenheimer promettait des miettes à tous ses concurrents, le thriller d’Alejandro Monteverde est devenu un succès-surprise, culminant à près de 200 millions de dollars de recettes. Cela pourrait être une belle succes story si une partie de la propagande n’avait pas été menée par la droite complotiste, Q Anon ou bien Elon Musk…

Pourtant, à première vue, ce biopic sur Tim Ballard ne développe pas une quelconque théorie du complot. Il s’agit de l’histoire d’un ancien agent fédéral qui, après avoir sauvé un enfant d’un trafic sexuel, va décider de lancer sa propre ONG afin de mener des opérations d’exfiltration clandestines. Et c’est bien cette thématique qui a permis à tout un pan de la droite américaine d’ériger cette production en symbole de leur lutte. Car les élites démocrates sont censées être soutenues et peuplées par des pédophiles, tendance satanique, qui torturent des enfants pour en abuser ou pour en récupérer de l’adrénochrome, une sorte de nouvelle fontaine de jouvence. En règle générale, tout ceci s’accompagne d’une petite dose d’antisémitisme, et les hypothèses les plus farfelues polluent internet. Sauf que lorsque l’acteur principal Jim Caviezel (connu pour son intégrisme catholique) propage ces mêmes absurdités en interview, il n’en fallait pas plus pour que les messages se multiplient appelant à se déplacer massivement en salles pour lutter contre cette « gauche » pédocriminelle.

Le constat est aussi triste qu’alarmant : le film a cartonné, dépassant de très loin toutes les prédictions, et déplaçant la conversation bien au-delà du cadre cinématographique. Si on recentre le débat au prisme du 7ème Art, il faut consentir que la discussion aurait été bien plus courte, vu le peu de matière à l’écran. Navet sans aucun intérêt, et bien trop long, ce drame dont la véracité des situations est remise en cause par plusieurs experts n’est qu’une succession de saynètes aux dialogues assommants, portées par des acteurs qui ont laissé toute trace de nuances chez eux. La réalisation, elle, ne sauve en rien l’ensemble ; bien au contraire, puisqu’elle arrive à ajouter de la laideur et une narration bancale à un scénario déjà très difficilement supportable. On ne le dira jamais assez : plutôt que d’accumuler dans vos tiroirs, jetez directement !

Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur

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