LES FRAGMENTS D'ANTONIN

Un film de Gabriel Le Bomin

Un film bouleversant servi par une sublime partition

Antonin, ancien poilu, a été retrouvé errant le long d'un chemin à la fin de la guerre de 14. En état de choc, il est soigné dans un hôpital psychiatrique, n'étant capable que de gestes compulsifs et prononçant inlassablement les cinq mêmes prénoms...

Comme son titre l'indique, "Les fragments d'Antonin" nous propose un voyage morcelé dans l'esprit malade d'un ancien combattant. A l'aide d'un montage malin et bien loin d'être linéaire, Gabriel Le Bomin nous livre un à un les morceaux du passé qui hante son personnage principal. Des moments d'horreur pure, d'inhumanité, comme des moments de joie intense, parfois logée dans un simple geste. Si l'on devine aisément la signification de certains gestes répétés (la main sur la joue) lors des scènes d'observation de ce patient hors du commun, d'autres sont amenés avec beaucoup plus de finesse. Et la mise en parallèle de la souffrance corporelle présente et de la guerre passée gagne en intensité et lisibilité au fil du récit.

Devant la caméra, Grégori Dérangère trouve son meilleur rôle depuis "Bon voyage" de Rappeneau. Engoncé dans sa chemise de nuit d'hôpital, son corps raidi, il distille une inquiétude que la superbe partition de Fabian Roemer renforce à chaque instant. Mais le rayon de soleil du film, c'est Anouk Grinberg, décidément trop rare. Chacune de ses paroles est un puit de douceur et de bienveillance, comme un aparté dans un moment difficile qui n'en finit pas . De répétitions en attentes interminables, de décors ternes en bruits sourds, Gabriel Le Bomin donne à voir l'horreur d'une guerre qui ne finit jamais, et dans laquelle quelques corps sont restés piégés, sujets au transfert de souffrances morales indicibles. Un pari amplement réussi.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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