L'UN DANS L'AUTRE

Un film de Bruno Chiche

Une mécanique bien huilée

Pierre et Aimée sont en couple depuis plusieurs années. Eric et Pénélope, un autre couple, partagent avec eux de longues années d’amitié. Seul souci : Pierre et Pénélope sont devenus amants. Le jour où Eric annonce son mariage avec Pénélope en vue d’adopter un enfant, la rupture entre les deux amants semble inévitable. Et après une ultime nuit d’amour en guise d’adieu, surprise : Pierre et Pénélope se réveillent chacun dans le corps de l’autre ! C’est le début des problèmes…

On remerciera Bruno Chiche d’avoir eu l’honnêteté de souligner pendant la promotion de son film qu’il n’avait pas inventé ce concept. Le contraire aurait été étonnant, tant l’idée du body swap ne réussit désormais plus à surprendre face à des cinéastes qui ont su en transcender la matière (Blake Edwards et Spike Jonze, pour ne citer que les meilleurs exemples) ou à des films qui n’en proposaient qu’une variante moralisatrice à deux balles ("Freaky Friday", pour ne citer que le pire exemple). En reprenant l’idée à son compte, le réalisateur de "Barnie et ses petites contrariétés" a choisi l’option facile mais néanmoins enrobée d’une attachante modestie, consistant du coup à laisser agir l’enfilade de quiproquos jusqu’au bout sans arrière-pensée. Comédie sans sujet ni morale ni point de vue militant ou psychologique, "L’Un dans l’autre" se contente juste d’épuiser le catalogue des situations délirantes pouvant naître d’un tel postulat, quand bien même la plupart d’entre elles sont assez prévisibles. Mais si cela finit par marcher, c’est avant tout parce que la mécanique s’avère très convenablement huilée.

On peut déjà dire que le choix de Louise Bourgoin et de Stéphane de Groodt était redoutablement fort : en intervertissant le phrasé assez particulier de l’un dans l’autre et vice versa, ce tandem de comédiens issus de l’école Canal+ crédibilise avec brio une situation qui aurait pu sombrer illico presto dans le ridicule. Que ce soit pour embrasser un rôle de parent différent du leur, pour naviguer dans une carrière professionnelle qui n’est pas la leur ou même pour inverser le rapport à la sexualité, les deux acteurs jouent le décalage et le poussent aussi loin que possible, quitte à rendre les situations joyeusement tordues au fur et à mesure qu’elles évoluent. Face à eux, Aure Atika et Pierre-François Martin-Laval incarnent des rôles plus mesurés mais suffisamment bien dessinés pour servir de contrepoint. Au bout du compte, sans révolutionner quoi que ce soit dans le genre ni prétendre à une nouvelle mise en scène du quiproquo en cascade (n’est pas Blake Edwards qui veut !), cette comédie réussit à détendre et à décoincer son audience juste ce qu’il faut pendant 85 minutes. Avec un niveau d’exigence qui ne se situe pas plus haut que ça vis-à-vis de cette catégorie problématique qu’est la comédie française, la pilule passe sans problème.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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