BREAD AND ROSES

Un film de Sahra Mani

Un témoignage exceptionnel au cœur de l’infamie

Après le retour au pouvoir des Talibans, les femmes de Kaboul voient leur quotidien complètement chamboulé. Trois d’entre elles vont se battre pour retrouver leur liberté…

Bread and Roses (2023) film documentaire documentary movie

Août 2021. Devant les yeux ébahis du monde entier, les Talibans prennent le pouvoir de l’Afghanistan. La colère et l’émotion est palpable partout, les chaînes d’informations diffusent les images en boucle. Les scènes d’horreur tournent encore dans nos têtes. Puis le monde a repris sa marche, nos regards se sont portés sur d’autres drames, d’autres tragédies. Mais une personne en particulier n’arrivait pas à oublier : Jennyfer Lawrence. Oui, l’actrice d’"Hunger Games" reconvertie dans le cinéma indépendant. Elle chercha alors une cinéaste capable de raconter l’atrocité du quotidien. Ce sera Sahra Mani, cinéaste en exil en France. Mais comment témoigner d’un État dans lequel on ne peut plus mettre les pieds ?

Composé de vidéos capturées par trois femmes directement sur place (une étudiante, une dentiste, une fonctionnaire), le film est un portrait puissant et bouleversant d’une révolution clandestine. Dans l’intimité des foyers, l’abjection prend une autre dimension. Pas de sang versé, pas d’armes, juste des pleurs, ceux de femmes devenues du jour au lendemain parias de la société, à qui on interdit de sortir seules, d’étudier, ou même de choisir leurs propres vêtements. On les voit alors refuser la situation, s’organiser dans l’ombre, créer des slogans, lancer des manifestations. Évidemment, chacun de leurs gestes peut leur coûter la vie, mais elles préfèrent se battre pour un futur supportable plutôt que de subsister dans un monde archaïque qu’on aimerait conjuguer uniquement au passé.

Le métrage étant composé d’images prises sur le vif, dans l’illégalité la plus totale, celui-ci n’est ainsi pas à considérer pour ses qualités cinématographiques. L’important n’est pas là, il se situe dans l’émoi suscité par la résilience de ces trois protagonistes, et de toutes les personnes qui les suivent dans leur combat. Dans l’anonymat, elles avancent, continuent une lutte courageuse, certaines quittent le pays, d’autres restent. En lui offrant une place en séance spéciale, le Festival de Cannes fait bien plus que de louer le talent d’une réalisatrice, il rappelle au monde qu’en 2023, à 7 000 kilomètres de la France, des femmes risquent chaque jour leur vie pour affirmer leur droit de vivre comme un être humain.

Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur

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