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PARCOURS : Alexandre Aja, pour l'amour du gore

Fils du cinéaste Alexandre Arcady et de la critique de cinéma Marie-Jo Jouan, Alexandre Aja voit le jour à Paris le 7 août 1978. Familier des plateaux de tournage dès son plus jeune âge, il semblait logique de le voir marcher sur les pas de son père. Seulement, point de chroniques sociales ou de fresques policières pour le jeune cinéphile : ce qu'il aime, lui, c'est l'horreur. Et son pendant le plus extrémiste : le cinéma gore ! Portrait d'un saigneur.

Acteur dans les films de son père (le blondinet des "Grand Pardon", c'est lui !), Alexandre Aja (les trois premières lettres de son nom civil, Alexandre Jouan-Arcady) fait la rencontre en classe de sixième de Grégory Levasseur. Les deux compères se découvrent très vite des goûts communs pour le cinéma américain (Coppola, De Palma...), le cinéma horrifique et la lecture du magazine Mad Movies. Leur amitié est si forte qu'ils feront désormais tous leurs films ensemble, comme l'expliquera un jour Grégory Levasseur : « Nous nous connaissons depuis assez longtemps pour nous compléter parfaitement. Les scénarios s'écrivent à deux, puis Alexandre s'occupe de la réalisation et moi je me consacre à la direction artistique du film. » Une équipe de choc était née. En 1997, Alexandre Aja se lance dans la réalisation de son premier court-métrage, "Over the Rainbow", drame horrifique en noir et blanc qui sera sélectionné au Festival de Cannes. Un (petit) début de reconnaissance qui aboutira, deux ans plus tard, à la réalisation de "Furia" : Alexandre a tout juste vingt ans, et met en scène son premier long-métrage.

Coup d’essai...

© Bac Films

Adapté d'une très courte nouvelle de Julio Cortazar, Graffiti, "Furia" met en scène Marion Cotillard et Stanislas Merhar dans une fable d'anticipation matinée de love story tragique et de totalitarisme. Ambitieux, certes, parfois traversé d'un souffle romanesque, certes, mais la pauvreté des décors, l'étroitesse du budget et les carences inévitables du jeune cinéaste font de ce premier essai un échec, tout aussi bien public et critique, qu'artistique. Malgré quelques idées de mise en scène intéressantes, une musique atmosphérique et une photographie crépusculaire, "Furia" peine à convaincre, se contentant de révéler à l'écran le talent incontestable d'une actrice encore inconnue. C'est peu.

Echaudé par le résultat et l'accueil de son film, Aja décide de se faire la main sur un film de son père, dirigeant (avec Levasseur) la seconde équipe du thriller d'action "Entre chiens et loups". De quoi se sentir capable de revenir à la mise en scène. En frappant un grand coup.

...et coup de maître !

Autant le dire de suite : coproduit par son père et l'incontournable Luc Besson, "Haute Tension" est une authentique bombe. Embarquant Cécile De France, Philippe Nahon et Maïwenn au coeur d'un survival hardcore et sans pitié, Alexandre Aja se décide à payer son tribu aux films ayant forgé sa cinéphilie et prouve avec culot que cinéma français et cinéma horrifique peuvent faire bon ménage. Rarement film d'horreur aura été aussi viscéral, aussi fort et intelligent dans son approche du genre. Par l'intermédiaire d'une mise en scène privilégiant le visuel au dialogue, s'attardant sur des détails révélateurs (une main, un rasoir, un visage...), Aja parvient à impliquer son audience au coeur même du film, grâce aussi à des acteurs totalement impliqués. Crescendo dramatique insoutenable d'intensité, "Haute Tension" est aussi un éprouvant voyage au bout de la terreur, amplifié par une bande-son tétanisante (voir l'utilisation de la chanson "New Born" de Muse) et par des effets gores d'une violence jamais vue dans le cinéma français (la tête arrachée à grand coup de buffet !). Un chef-d'oeuvre absolu, et une date à marquer d'une pierre rouge : 2003, naissance d'un grand cinéaste de l'horreur.

Bien que plébiscité par les critiques et les (rares) spectateurs, "Haute Tension" est un bide au box-office français. Il faudra attendre la sortie vidéo américaine du film (rebaptisé "High Tension") pour que la reconnaissance arrive. Et qu’Alexandre Aja et Grégory Levasseur se prennent un aller-simple pour les Etats-Unis...

American nightmare

© 20th Century Fox France

Accueilli à bras ouverts par le tout Hollywood, le duo terrible, qui planche un moment sur la ghost story "The Waiting", se voit confier en 2006 par Wes Craven la réalisation du remake d'un de ses premiers films : "La colline a des yeux". Le résultat est un nouveau choc. Non content d'enterrer à tout jamais le film original de Craven (une sacrée bouse, il faut le dire...), Aja et Levasseur poussent le genre du survival horror dans ses derniers retranchements, visuels comme narratifs, faisant de leur troisième film une charge politique agressive envers l'Amérique, glissant de magnifiques hommages à Sam Peckinpah ("Les Chiens de paille") et à "La Quatrième Dimension" au sein d'un démentiel ride ultra gore et toujours jouissif. Une claque cinématographique totale (quels acteurs ! quelle musique ! quel rythme !), sans équivalent dans le cinéma actuel (sauf peut-être dans "The Devil's Rejects" de Rob Zombie), et qui achève de faire d'Alexandre Aja un cinéaste incontournable. Et le film est un succès !

Un succès mérité, qui pousse Aja et Levasseur à écrire et produire "2e sous-sol", réalisé par leur pote Franck Khalfoun. Un survival urbain (une jeune femme est séquestrée dans un parking souterrain par un gardien psychotique) routinier, et un peu idiot, bien loin des baffes assénées par le duo.

Remake man

© 20th Century Fox France

"Mirrors", quatrième film d'Alexandre Aja, est à nouveau un remake, celui du film coréen "Into the Mirror" de Kim Sung-ho. De l'original, Aja ne conserve que le pitch (un agent de sécurité en centre commercial se rend compte que « quelque chose » vit sous la surface des miroirs) et s'acquitte de son premier film à consonance surnaturelle. Porté par une facture technique irréprochable et un Kiefer Sutherland impliqué, "Mirrors" déçoit pourtant. La faute aux autres acteurs, peu crédibles (une première pour le cinéaste), à un final virant au grand n'importe quoi pyrotechnique (on croirait voir "Commando" avec Schwarzy) et, paradoxe ultime, à une unique scène gore totalement inutile et gratuite. On se retrouve ainsi face à la séquence la plus trash de sa (courte) carrière !

Un semi-échec, donc. Mais qui n'entame en rien la confiance que l'on peut accorder au Frenchy de l'horreur. Alors qu'Alexandre Aja pense déjà à son avenir (une adaptation du dessin-animé Cobra, notamment), son dernier film est à nouveau un remake. Revisitant en trois dimensions le mythique "Piranhas" de Joe Dante, Aja a promis à ses fans un spectacle total, plein à rabord de bimbos topless en bikini, de monstrueux poiscailles furibards et d'effets gores bien sanguinolants (300 000 litres de sang utilisés, ça laisse rêveur...). L'occasion pour lui de renouer avec l'ultra-violence dégénérée de ses débuts en célébrant dans la joie et la bonne humeur le retour provisoire du splatter movie sexy, fun et gore. En bref, ça va chier !

 

Informations

Filmographie

1982 : Le Grand Pardon d'Alexandre Arcady (acteur)
1983 : Le Grand Carnaval d'Alexandre Arcady (acteur)
1989 : L'Union sacrée d'Alexandre Arcady (acteur)
1992 : Le Grand Pardon 2 d'Alexandre Arcady (acteur)
1997 : Over the Rainbow (réalisateur et scénariste)
2000 : Furia (réalisateur et scénariste)
2000 : Là-bas... mon pays d'Alexandre Arcady (réalisateur seconde équipe)
2002 : Entre chiens et loups d'Alexandre Arcady (scénariste et réalisateur seconde équipe)
2003 : Haute Tension (réalisateur et scénariste)
2004 : Mariage mixte d'Alexandre Arcady (réalisateur seconde équipe)
2006 : The Hills Have Eyes / La colline a des yeux (réalisateur et scénariste)
2006 : P2 / 2e sous-sol de Franck Khalfoun (scénariste et producteur)
2008 : Mirrors (réalisateur, scénariste et producteur)
2010 : Piranha 3D (réalisateur, scénariste et producteur)

Frederic Wullschleger Envoyer un message au rédacteur

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