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THE FRENCH DISPATCH

Un film de Wes Anderson

Un film-magazine dont on tourne les pages à toute vitesse !

L’Américain Arthur Howitzer Jr. a fondé en France un magazine anglophone intitulé « The French Dispatch ». Lorsqu’il meurt, le magazine est voué à disparaître également…

The French Dispatch film movie

Regarder un film de Wes Anderson, c'est comme ouvrir un nombre infini de cases d'un immense calendrier de l'avent avec des poupées gigognes à l'intérieur ! Il convient donc d’avoir ses sens et son cerveau suffisamment réveillés et aiguisés pour capter au mieux toutes les subtilités et tous les détails – tout en ayant conscience qu’il est impossible de tout saisir en un seul visionnage.

Avec "The French Dispatch" (littéralement « La Dépêche française »), il ne faut pas s’attendre à une histoire au sens strict du terme, du moins pas une seule qui couvrirait l’entièreté du film. En fait, Wes Anderson renouvelle le film à sketches en inventant ce qu’on pourrait appeler le magazine cinématographique (magazine fictif, évidemment). Ainsi, ce film est composé de trois histoires, ou plutôt trois « articles », et de plusieurs contenus annexes permettant de relier le tout à au moins deux points communs : le fameux magazine du titre et une unité de lieu que nous présenterons plus loin. On pourrait n’y voir qu’un exercice de style dont le seul fond serait humoristique, mais ce serait une vision trop restrictive.

D’une certaine façon, l’ensemble du film est un hommage – en partie indirect – au personnage de Bill Murray qui a créé le magazine et dont on apprend dès le début qu’il est mort et que "The French Dispatch" est condamné à disparaître selon ses volontés exprimées dans son testament. Tout le film revient donc à montrer ce que le lectorat perd avec la disparition d’un grand homme de presse et de la publication de qualité qu’il a créée. À travers ce récit apparemment décousu, Wes Anderson fait l’apologie d’une certaine presse dédiée aux longs reportages, finement écrits, richement documentés et magnifiquement illustrés (comme "The New Yorker"). À l’heure du numérique et de la méfiance généralisée envers les médias, qui ont gravement écorné le prestige des journalistes, ce long métrage redonne donc justice et grandeur à ce métier.

L’autre intérêt central du film tient dans sa façon de se réapproprier la culture française, les trois « articles » abordant trois thématiques majeures : les arts (plus précisément l’avant-garde), les luttes sociales (dans une parodie de Mai 68) et la gastronomie (ici au profit d’un polar saugrenu). Anderson pétrit les clichés et s’en sert au premier comme au second degré. Il crée une ville qu’il baptise avec un nom délicieusement cocasse : Ennui-sur-Blasé (un pied-de-nez à celles et ceux qui n’adhèreront pas à son projet ?). Au début du film, la description de ce lieu par le personnage d’Owen Wilson en fait une sorte de Paris alternatif et la reconstitution de l’immeuble de "Mon oncle" place le film sous le patronage de Jacques Tati, annonçant d’emblée que l’ensemble sera grandement burlesque – ce qui n’est guère surprenant chez Wes Anderson.

Enchaînant des idées toutes plus jubilatoires les unes que les autres, multipliant les gags en tout genre au profit d’une régulière hilarité, le film s’appuie aussi sur un casting de dingo, le réalisateur s’autorisant à offrir de microscopiques apparitions à des acteurs de renom venant d’un peu partout (Christoph Waltz, Willem Dafoe ou Benjamin Lavernhe par exemple). Au sein de cette distribution pléthorique, on retiendra notamment le duo platonique entre Benicio del Toro et Léa Seydoux, la bavarde Lyna Khoudri, ou encore la toujours bizarre Tilda Swinton en critique d’art à la froideur excentrique (si, si, c’est possible !).

Déjà habitué à l’animation en volume ("Fantastic Mr. Fox" et "L’Île aux chiens"), Wes Anderson se permet aussi une scène en animation 2D, à l’esthétique héritée de la ligne claire de la BD franco-belge de type "Tintin" ou "Blake et Mortimer". Quand le générique arrive et enchaîne des couvertures graphiques de ce fictif "French Dispatch", on aimerait retourner immédiatement à Ennui-sur-Blasé et feuilleter d’autres articles sur grand écran !

Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur

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