THE POWER OF THE DOG

Un film de Jane Campion

Un drame saisissant, à la somptueuse mise en scène

1925 dans le Montana. Phil et George Burbank, deux frères fort différents, mènent les troupeaux de leur ranch, dans la continuité de leur père mort à 41 ans. Chacun a une approche du métier et de la vie différente : Phil porte une certaine vision de l’autorité et de la virilité, tandis que George est plus posé et à l’écoute. Alors que Phil fait souvent référence à la figure de Bronco Henry, cowboy légendaire qui fut son mentor, George tombe sous le charme de Rose, aubergiste dont son frère a humilié le fils efféminé, Peter, devant ses hommes. Bien décidé à épouser celle-ci, il ne se doute pas que son frère va tout faire pour anéantir celle-ci, qui a tendance à être portée sur la bouteille…

The Power of the dog film movie

Sortie le 01 décembre 2021 sur Netflix

Le nouveau film de Jane Campion, produit par Netflix, est un western centré sur la figure d'un cowboy autoritaire et sadique, qui tente d’humilier ou contrôler tous ceux qui ne correspondent pas à sa vision de la masculinité. Interprété par Benedict Cumberbatch (la série "Sherlock", "Imitation Game", "Doctor Strange"…), rarement aussi impressionnant, Phil méprise les femmes, et particulièrement celle de son frère, épousée à la va-vite, en secret, afin de ne pas subir l’influence de celui-ci. Car même la gentillesse et la bienveillance de George, joué avec tact par Jesse Plemons ("Vice", "The Master", "Je veux juste en finir") l’agace au plus haut point, Phil aimant avant tout avoir le contrôle. Usant de Peter (parfait d’ambiguïté vu dans "Dolemite Is My Name"), le fils androgyne maladroit de Rose (Kirsten Dunst, parfaite en femme vulnérable), toujours affublé de vêtements trop amples pour sa frêle carrure, il va manipuler celle-ci en soufflant le chaud et le froid.

Intelligemment, le scénario joue ainsi sur l’ambiguïté du comportement de Phil, et derrière les codes d’un western plutôt contemplatif où la violence semble pouvoir jaillir à tout instant, livre une réflexion singulière mais forte à propos sur la masculinité et la transmission. Utilisant à merveille les vues sur le grand paysage (plan large sur les montagnes du Montana, prairies à perte de vue…), Jane Campion, qui a reçu le prix de la mise en scène au dernier Festival de Venise, rappelle la petitesse de l’Homme face à la nature. Elle joue également avec la lumière et les points de vue, comme avec ce plan à contre jour, enfermant ou créant la proximité entre ses personnages au travers de cadres dans le cadre (la vue depuis l’intérieur d’une grange, où l’on perçoit en fond la maison…).

Sans évoquer directement son chef d’œuvre, "La Leçon de Piano", palme d’or à Cannes en 2013, Jane Campion semble prendre un malin plaisir à détourner ici son triangle amoureux (le mari, la femme, l’amant) pour mieux épingler les clichés sur ce que se doit d'être un homme. Avec une attention particulière au suspense généré, elle nous emmène sur un terrain inattendu, convoquant le trouble dans un récit au départ en apparence balisé. Avec ce don qu’elle a pour nous faire rentrer en empathie avec chaque personnage, elle parvient à rendre intéressant et compréhensible chacun, dévoilant les craintes, les fiertés, les blessures, les espoirs, les élans de courage ou l’ambition de chacun, dans son rapport intime à l’autre et au groupe. Un film picturalement sublime et magnifiquement troublant.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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