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LA FERME DES BERTRAND

Un film de Gilles Perret

Un documentaire agricole tourné vers le progrès

2022, Hélène, veuve, devrait prendre sa retraite d’ici deux mois. Elle attend l’arrivée des robots de traite qui vont bientôt la remplacer auprès des vaches. Son fils Marc, désormais adulte, à la fauche, a déjà repris la ferme avec son beau frère Alex. Dans la ferme des Bertrands à Quincy, en Haute Savoie, c’est une nouvelle étape qui s’annonce…

Gilles Perret avait déjà filmé les 3 grands oncles de Marc, 25 ans plus tôt, en 1997, dans "Trois Frères pour une vie", documentaire de 52 mn, qui n'avait tourné qu'en festivals. Il s'agissait alors de raconter une passation, celle de ces trois hommes vers leur neveu, le mari de Hélène, disparu depuis. Afin de donner plus de perspectives à son récit, le réalisateur a donc mêlé les deux films, redonnant une vie au premier, alors peu vu. Mais c'est en utilisant également un reportage de 1972 pour FR3 Région, signé Marcel Trillat (26 minutes), dans lequel les trois grands oncles parlaient de leur métier alors qu'ils construisaient une grange, que le film prend tout son sens. Il se transforme alors en l'histoire d'une famille et de leur attachement à un métier, sur 50 ans et trois générations.

Connaissant très bien les lieux et les gens qui y vivent, puisqu’il réside à moins de 100 mètres de leur exploitation, Gilles Perret était sans doute le mieux placé pour retracer les évolutions successives, comme replacer chaque être humain dans son contexte. Car la force de ce bouleversant documentaire est de placer en permanence l’humain au centre, pour mieux montrer l’attachement à la nature et aux bêtes, la nécessité d’une transmission, et l’affirmation d’un désir de vie meilleure (passant forcément par le progrès). C’est d’ailleurs cette dernière notion qui nous accompagne tout au long du film, au travers des paroles d’André, le seul grand oncle encore vivant en 2022, aussi touchant que bavard, alors qu’il fait le constat d’un échec humain de leur labeur (solitude, absence de famille, temps monopolisé par le travail) et dresse les pistes d’un progrès étant le seul à pouvoir améliorer leurs conditions d’existence.

L’une de ses phrases, constatant qu’à tout faire pour le travail, « la jeunesse sera passée », émeut forcément, et entre en résonance avec la volonté des deux hommes qui gèrent aujourd’hui les lieux, ballottés entre astreinte et désir de congés et de temps à dédier à leur famille. Peu à peu le(s) progrès (humain ou technologique) se mesure pour les hommes, alors que les rituels (la première sortie des vaches aux champs…) semblent immuables. Après des documentaires ou fiction plus politiques, tels que "De mémoires d'ouvriers", "La Sociale", "L'Insoumis" (sur Jean Luc Mélanchon), "J'veux du soleil" (sur les gilets jaunes), "Debout les femmes !" ou "Reprise en main", Gilles Perret, sans occulter les difficultés (sur l’équilibre financier, l’influence des grands groupes, la difficile place de la femme dans le métier…), semble ici trouver le parfait équilibre entre espoirs, réussites et échecs. On ressort ainsi du film persuadé que des évolutions sont encore possibles, et que l’équilibre entre travail et vie personnelle peut continuer à s’améliorer. Mais surtout en cette période de reculades imbéciles sur certaines contraintes environnementales (jachère, maintient des haies, usage de pesticides…), ayant pourtant traits à la qualité des terres et de l’alimentation, qu’il y a aujourd’hui parmi les agriculteurs des gens aussi respectueux de la nature, que soucieux de transmettre un outil de travail (la terre), géré dans un esprit de durabilité. En cela, "La Ferme des Bertrand" tombe à pic, dans une actualité brûlante.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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