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DJANGO UNCHAINED

Un film de Quentin Tarantino

Tarantino se déchaîne

Dans le sud des États-Unis, deux ans avant la guerre de Sécession. Le Dr King Schultz, un chasseur de primes allemand, fait l’acquisition de Django, un esclave qui peut l’aider à traquer les frères Brittle, les meurtriers qu’il recherche. Schultz promet à Django de lui rendre sa liberté lorsqu’il aura capturé les Brittle – morts ou vifs. Alors que les deux hommes pistent les dangereux criminels, Django n’oublie pas que son seul but est de retrouver Broomhilda, sa femme, achetée par un esclavagiste dénommé Calvin Candie…

Voir Tarantino réaliser aujourd’hui un western sonne comme une évidence, tant le cinéaste n’a cessé de clamer son amour du genre, de la très léonienne scène d’ouverture de « Inglourious Basterds », en passant par les combats théâtralisés de « Kill Bill » ou l’usage extensif de la musique d’Ennio Morricone. Ce qui surprend positivement dans « Django », c’est alors la façon avec laquelle Tarantino va progressivement se débarrasser de ses écrasantes références (les westerns spaghetti de Sergio Corbucci et Sergio Leone en tête) pour parvenir à exprimer la substance même de son cinéma. Un cinéma volontiers anachronique, soucieux de s’inscrire dans un patrimoine plus large, allant de Siegfried et les Nibelungen, à la blaxpoitation, en passant par les polars japonais ultra violents des 70’s. De Fukasaku à Peckinpah, Tarantino se rapproche paradoxalement au plus près de l’essence même de son style, maniant avec une plénitude rare ce qui a fait de « Pulp Fiction » un classique, affinant ce qui avait alourdi « Inglourious Basterds » : un art d’étirer les scènes comme pour retarder le plaisir du spectateur (en cela QT crée des films très fétichistes - et par extension « sexy » alors que de sexe il n’est jamais question dans sa filmographie), une façon unique de théâtraliser le dialogue et le verbe, une capacité à rendre évident l’usage de soul music sur une chevauchée typiquement fordienne… cinéaste que Tarantino exècre entre tous.

Pourtant à bien des égards, Quentin Tarantino fait preuve d’un beau classicisme technique avec une belle utilisation du scope et des travellings latéraux que Howard Hawks - que Tarantino vénère- , n’aurait pas reniée. Un respect qui n’exclut jamais l’émancipation, à l’image de ces zooms hypertrophiés tout droit sortis d’un film Shaw Brothers. Dans « Django Unchained », la liberté prévaut, au propre comme au figuré : le personnage campé avec jubilation par Christoph Waltz est le prolongement du cinéaste à l’écran, cherchant à rendre à Django sa liberté tout en se permettant une audace de ton et une insolence sans égales. La mise en scène de QT est ainsi : on stoppe brutalement une chevauchée élégante mais classique pour aboutir à une scène hilarante et improbable sur les masques du Ku Klux Klan, on rend justice à tout un peuple asservi (quitte à s’attirer le courroux grotesque de Spike Lee), sans s’interdire de reprendre presque à l’exact le générique d’intro du « Django » de Corbucci, musique comprise. Désormais, et pour la toute première fois, Tarantino est une référence pour lui-même : travelling à ras le sol sur des pieds, scène de torture so « Reservoir Dogs », 2 Pac qui croise Johny Cash qui croise James Brown qui croise Morricone, déluge de sang plus faux que nature et idées visuelles au kilomètre.

Le tour de force du cinéaste est d’avoir su faire un film qui ne ressemble qu’à lui, sans renier ses influences mais sans jamais tomber dans la déférence facile. Exit ainsi un hypothétique et prévisible duel au pistolet façon trilogie du dollar, la ribambelle de gros plans sur des gueules patibulaires, les mouches qui volent ou les « rouleaux de paille » (tumbleweeds) traversant la grand rue. Tarantino va là où on ne l’attend pas, délivrant des torrents de sang, d’humour sauvage, pour un spectacle hilarant, violent et extrêmement jouissif. Son scénario, beaucoup plus équilibré que ne l’étaient ceux de « Boulevard de la mort » et « Inglourious Basterds », ne ménage aucun temps mort sur pourtant 2h45 de métrage. Les interprétations fantastiques de l’ensemble du cast achèvent de faire de « Django Unchained » le second meilleur film de Quentin Tarantino et son plus personnel depuis « Kill Bill vol. 2 ». Car même s’il n’a pas de grand message politique, social ou autre à faire passer, même s’il n’a « rien » à dire, Tarantino le fait avec un style incroyable ! Il s’offre même des saillies lyriques et poétiques qu’on ne lui connaissait pas, telle cette apparition fugace de Kerry Washington dans la brume d’un lac. Un cinéma de toutes les émotions, effrayant lorsqu’il dépeint de cruels combats d’esclave, épique lorsque Django bat la prairie à cheval pour sauver sa belle, sur les airs d’une bande-son exaltante. Du grand spectacle !

Thomas BourgeoisEnvoyer un message au rédacteur

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