Festival de cannes 2024 : "Anora" au firmament du Palmarès

Le jury présidé par l’actrice-réalisatrice Greta Gerwig a donc délivré samedi soir son palmarès pour cette 77e édition du Festival de Cannes. Et c’est finalement par une belle surprise que s’est conclue la cérémonie animée par Camille Cottin, et durant laquelle une Palme d’or d’honneur a été remise à George Lucas, qui avait donné la veille une Master Class, avec le couronnement, une fois n’est pas coutume, d’une véritable comédie : "Anora" de Sean Baker. Si nous avions vu plutôt le film présent au palmarès au travers de son scénario (l’histoire d’une prostituée aux prises avec les hommes de main d’une famille russe, dont elle a épousé le fils, immature) voire son actrice principale Mikey Madison, on se dit qu’il s’agit là d’une Palme grand public, qui pourrait poursuivre, après "Anatomie d’une chute", le chemin de réconciliation entre public et Palmes d’or cannoises.

Quelques films en bonne place

Pour le prix d’interprétation masculine, c’est finalement bien l’acteur américain Jesse Plemons qui a été récompensé pour ses trois rôles contrastés dans le film de Yórgos Lánthimos "Kinds of Kindness", qui sortira pour la fête du cinéma. Il y interprète un homme sous l’emprise son patron, un autre persuadé que sa femme, disparue et revenue, n’est plus la même personne, et un dernier faisant partie d’une étrange secte. Côté Prix de la mise en scène, on retrouve comme prévu le Portugais Miguel Gomes, qui proposait ici un film en grande partie en noir et blanc, suivant d’abord l’étrange perdition d’un homme, puis sa recherche par sa fiancée, aidé de différentes voix-off, tantôt masculines, tantôt féminines, changeant de langue à chaque nouveau pays, les protagonistes étant eux absents de la plupart des plans, comme déjà disparus.

Enfin c’est Jacques Audiard, pour sa comédie musicale "Emilia Perez", qui a reçu le Prix du jury, souvent décerné pour l’originalité d’un projet. Il faut dire que le film n’en manquait pas, traitant sous forme de comédie musicale une histoire d’avocate défendant un chef de cartel mexicain, désireux de changer de sexe. Un pitch assez hallucinant pour un film entraînant et réellement surprenant.

D’autres films dans des cases moins attendues

Privé de Palme d’or, le film iranien "Les Graines du figuier sauvage", donné favori par de nombreux médias ou festivaliers, a finalement eu droit à un Prix spécial du jury (le jury ayant par ailleurs choisi de ne pas avoir d’ex-aequo pour un prix), sans doute pour éviter une Palme qui serait trop politique. Mohammad Rasoulof, qui a récemment fui son pays, a ainsi pu monter sur scène, recevant une standing ovation, et rendre hommage aux jeunes femmes qui refusent de plier en son pays.

Également récompensés, deux autres films que l’on attendait au palmarès. Tout d’abord l’excellent conte gore sur la jeunesse éternelle "The Substance" signé Coralie Fargeat, non pas pour le saisissant retour de Demi Moore – qui était pourtant revenue sur la Croisette -, mais pour le meilleur scénario. Il faut dire que celui-ci est en effet remarquable, mettant en avant l’affrontement interne de son héroïne, prise en étau entre ses versions âgée et plus jeune, l’ambition étant eu coeur des enjeux. De même pour le prix d’interprétation féminine, c’est finalement un prix d’ensemble pour les 4 actrices principale de "Emilia Perez", Zoe SaLdana, Karla Sofía Gascón, Selena Gomez et Adriana Paz, bouleversantes, qui a été remis, permettant à l’actrice trans Karla Sofía Gascón, qui interprète la tante, ancienne chef d’un cartel de la drogue, de monter sur scène, délivrant un message de tolérance.

Des oubliés et une caméra d’or choc

Notre favori, le sublime "Parthenope" de Paolo Sorrentino, n’aura certes pas été récompensé par le jury, mais il a reçu le Prix de la CST pour la photographie signée Daria D’Antonio. Il faut dire que le film est baigné dans la lumière estivale de la baie de Naples, faisant une part au bleu du ciel ou de la mer, qui vient contraster avec le spleen des personnages. Le réel absent aura donc été le percutant danois signé film Magnus Von Horn, "La Jeune femme 0 l’aiguille", laissant la place à la seule vraie surprise de soirée, la présence en Grand Prix du jury (une hauteur dans le palmarès fort discutable, même si le film est de qualité) du film indien "All we imagine as light". Portrait de trois femmes, le film n’en reste pas moins troublant, dévoilant en arrière_plan des images alarmantes d’une Inde moderne surpeuplée.

Enfin pour la caméra d’or (prix du meilleur premier film, toutes sections confondues), outre la mention pour "Mongrel", présenté à la Quinzaine des cinéastes, c’est finalement le troublant "Armand" signé du petit_fils d’Ingmar Bergman qui a été récompensé. Sensation du Certain Regard, le film traite d’un incident entre deux garçons dans une école primaire, et interroge à la fois le poids de la parole de l’enfant, l’incapacité du milieu scolaire à gérer certaines crises, ainsi que la jalousie et les ragots dont peuvent faire l’objet les personnes connues. Un film remarquablement interprété par l’actrice Renate Reinsve, décidément sur tous les fronts cette année, après avoir été remarquée dans "Julie (en 12 chapitres)".

Palmarès de la compétition officielle

Palme d’or
ANORA
de Sean Baker

Grand Prix du jury
ALL WE IMAGE AS LIGHT
de Payal Kapadia

Prix spécial du jury
LES GRAINES DU FIGUIER SAUVAGE
de Mohammad Rasoulof

Prix de la mise en scène
Miguel Gomes
pour GRAND TOUR

Prix d’interprétation masculine
Jesse Plemons
dans "Kinds of Kindness" de Yorgos Lanthimos

Prix d’interprétation féminine
Zoe SaLdana, Karla Sofía Gascón, Selena Gomez et Adriana Paz
dans "Emilia Perez" de Jacques Audiard

Prix du scénario
THE SUBSTANCE
de Coralie Fargeat

Prix du jury
EMILIA PEREZ
de Jacques Audiard

Prix de la Commission supérieure technique

Prix de la C.S.T. pour l'Artiste-Technicien
Daria D’Antonio
pour la photographie de PARTHENOPE

Prix de la C.S.T. pour la Jeune Technicienne de Cinéma
Evgenia Alexandrova
pour la photographie de LES FEMMES AU BALCON

Caméra d’or : meilleur premier film

Camera d’or
ARMAND
de Halfdan Ullman Tondel

Mention spéciale à la Caméra d'Or
MONGREL
de Wei Liang Chiang et You Qiao Yin

Palmarès des courts métrages

Palme d'or du court métrage
THE MAN WHO COULD NOT REMAIN SILENT
(L'HOMME QUI NE SE TAISAIT PAS)
de Nebojša Slijepcevic

Mention spéciale court métrage
BAD FOR A MOMENT
de Daniel Soares