EMILIA PÉREZ
Audiard rencontre Almodóvar dans un geste de cinéma époustouflant
Rita a beau être une avocate de génie, personne ne le sait, son boss s’appropriant ses plaidoiries et la laissant dans l’ombre. Jusqu’à ce qu’un mystérieux chef de cartel mexicain vienne la voir. Il a besoin d’elle, pour l’aider à changer de sexe…

Un chef de gang mexicain sanguinaire. Un changement de sexe. Selena Gomez. Jacques Audiard. Une comédie musicale. Aucun doute, ChatGPT a complètement déraillé lorsqu’on lui a demandé des éléments pour produire un film dans l’air du temps. Et pourtant… Il ne s’agit pas d’un prompt mal rédigé pour une IA, mais bien du nouvel opus du réalisateur de "De rouille et d’os", "Dheepan" et "Un prophète", une œuvre queer complètement dingue, où le too much croise le #MeToo, dans un mélange des genres et de styles ahurissant de brio. Le métrage s’ouvre sur Rita, une jeune avocate à l’avenir plombé par un supérieur qui refuse de la laisser entrer dans la lumière. Cantonnée à être une plume de l’ombre, difficile pour elle d’imaginer un avenir radieux. Jusqu’à ce qu’un mafieux vienne toquer à sa porte, enfin plus précisément, jusqu’à ce qu’il la kidnappe pour lui proposer une drôle de mission : l’accompagner dans sa transition. Oui, celui-ci veut devenir la femme qu’il s’est toujours senti être. Et le narcotrafiquant voit aussi là une occasion de sortir de sa vie de crimes.
Évidemment, le pitch prête à sourire. On pourrait même se dire qu’il frôle l’opportunisme, avec ses thématiques très actuelles qu’il détournerait uniquement par intérêt narratif. Mais c’est se méprendre sur monsieur Audiard et ses scénaristes, Thomas Bidegain et Léa Mysius, tant chaque élément de l’intrigue trouvera un sens plus profond que l’apparente frivolité de l’ensemble. Assumant complètement sa dimension mélodramatique, au point de flirter avec ces soap opera si populaires dans les pays latins, "Emilia Perez" est une démonstration impressionnante de la manière avec laquelle le cinéaste parvient à se réinventer à chaque projet, ne s’interdisant rien, osant tout. Exubérante, invraisemblable, grandiloquente ; l’histoire possède tous les qualificatifs du ratage annoncé, de la fausse bonne idée. Mais jamais le film ne sombre du mauvais côté, réussissant à nous embarquer dans un tourbillon de sentiments inattendus, où la vérité des actes est remplacée par celle des émotions.
Drame intime, comédie burlesque, film noir, thriller, chronique sociétale, "Emilia Perez" est tout cela à la fois, avec des numéros dansés et chantés en plus. On frôle l’overdose, pourtant, c’est bien l’ivresse qui nous gagne, tant cette œuvre excessive est jouissive et saisissante. On attendait Selena Gomez pour la musique, c’est Zoe Saldana qui lui vole la vedette, déconcertante de classe et d’aisance, qui se fait elle-même éclipser dans les moments plus discrets par l’incroyable Karla Sofía Gascón, ahurissante de justesse. Imprévisible, le métrage ne cesse de nous surprendre, de nous transporter là où on ne l’attendait pas, d’inviter un kitch almodóvarien dans les instants de tension, jusqu’à nous faire monter les larmes. Entre le romantisme exalté et la rage politique, cet OVNI cannois trace sa propre prophétie où les expressions artistiques surgissent dans le réel pour en sublimer le propos (à l’image de cet séquence enthousiasmante de recharge des fusils). Sans aucun doute, l’un des chocs de la cuvée 2024 du Festival de Cannes, finalement récompensé du Prix du jury et d’un Prix d’interprétation féminine collectif pour ses quatre actrices principales.
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteurBANDE ANNONCE
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COMMENTAIRES
Irregardable
jeudi 3 avril - 1h02
Entre personnages qui sonnent creux, clichés affligeants autant sur l'identité trans que sur le Mexique, une histoire qui malgré son côté invraisemblable parvient à être plate et mal racontée par un scénario paresseux et superficiel, Emilia Pérez est tout simplement un mauvais film.
Ok, il y a des thunes derrière et ça a de la gueule, parfois. Mais même là, on ne trouve pas grand chose d'original. C'est un film malaisant, mais pas parcequ'il fait réfléchir, ou allume des émotions.
Les relations humaines n'ont aucun sens, niaucune logique scénaristique, d'où l'impossibilité de s'attacher aux personnages....
Mais le pire sont les passages musicaux, qui arrivent comme des touffes de poils de cul sur la soupe, sans raison, et s'en donnent à coeur joie, certes, mais qui deviennent de plus en plus laborieux et gênants au fur et à mesure qu'avance "Jacques's fever dream". La musique est nulle et on s'enfonce de plus en plus dans son fauteuil à chaque démarrage de morceau, qui sont perçus à la longue comme du remplissage, en attendant la fin, elle-même grotesque et limite insultante dans sa dépiction cartoonesque de la culture mexicaine.
Et pour ajouter insanité à temps perdu, une nomination de Best ActrESS par l'Academy, à une femme trans. On se pince quand on voit quelles autres actRICES ont été éliminées de la sélection.
Audiard faisait de bien meilleurs films quand il avait moins de budget. J'espère qu'il gagnera assez d'argent avec cet "époustouflant geste de cinéma" (whatever that means) pour prendre sa retraite, je crois qu'il est mûr pour.