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SCRAPPER

Un film de Charlotte Regan

Un Oliver Twist au féminin, moderne et enthousiasmant

Georgie n’a beau avoir que 12 ans, elle se débrouille très bien toute seule depuis la mort de sa mère, réussissant même à éloigner les assistants sociaux pour continuer à vivre comme elle l’entend. Mais l’arrivée de Jason, qui se revendique comme son père, va venir tout chambouler…

Le réalisme social britannique représente souvent un héritage dans lequel les jeunes cinéastes se plongent avec trop de respect pour véritablement en bousculer les codes. Pour son premier long métrage, Charlotte Regan a bien choisi d’arpenter ces sentiers battus, mais elle le fait avec une originalité de ton qui la distingue immédiatement de la grande majorité de ce type de productions. À l’image de la découverte récente d’une autre Charlotte (Wells, avec le sublime "Aftersun"), chaque plan de ce "Scrapper" transpire d’un désir intense de cinéma, offrant à l’ensemble une empreinte unique et rafraîchissante.

Georgie est une gamine de douze ans, espiègle et débrouillarde. On pourrait même dire qu’elle n’a pas sa langue dans sa poche, en particulier lorsqu’il est question de se faire respecter, peu importe l’âge de son interlocuteur. Mais ce qui la différencie des filles de son âge, c’est qu’elle vit toute seule. Depuis le décès de sa mère, l’ado a décidé de continuer à occuper les lieux, trouvant quelques combines pour se faire de l’argent et continuer à entretenir le foyer. Elle peut d’ailleurs s’appuyer sur son ami Ali pour l’aider au quotidien. Quid des assistants sociaux et des services de protection de l’enfance ? Un simple coup de téléphone de temps à autre qu’elle parvient à détourner en inventant la présence d’un oncle à ses côtés. Dans cet équilibre, l’arrivée d’un père qui n’avait jamais fait partie du décor va venir rabattre les cartes.

Mais là où le film aurait pu sombrer dans un misérabilisme ou une niaiserie ostentatoire, le scénario maintient toujours la bonne tonalité, évitant les artifices sirupeux au profit d’une galerie de personnages hauts en couleur. En adoptant le point de vue de l’enfant, cette vie d’apparence sinistre prend une autre dimension, la banlieue devenant un terrain de jeu aux couleurs pastel, les araignées nichées dans la poussière, des camarades avec qui on peut rigoler. Car même si la protagoniste se rêve adulte, elle demeure bien une fillette, avec des émotions de son âge, de la colère compréhensible qu’elle n’arrive pas à appréhender, une tristesse dont elle refuse d’en laisser couler des larmes.

C’est alors dans quelques scènes que son âge saute aux yeux des spectateurs, lorsqu’elle tournoie en riant dans les bras de son père qu’elle découvre, aussi bien que lui essaye de se faire adopter, lorsqu’elle repositionne méticuleusement des coussins pour coller au plus près d’un souvenir maternel. Dans ces séquences-là, les punchlines amusantes laissent place au silence, les gloussements de la salle à une émotion palpable. Charlotte Regan n’a pas raté son saut dans le grain bain, livrant une chronique bouleversante aux airs de conte enfantin charmant et électrisant. Par la même occasion, "Scrapper", grand prix du Festival de Sundance 2023, révèle le talent brut de Lola Campbell, tout en confirmant qu’il va falloir compter sur Harris Dickinson ("Sans filtre", "Iron Claw") pour de nombreuses années. Le bonbon doux-amer de ce début d’année !

Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur

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