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AFTERSUN

Un film de Charlotte Wells

Une œuvre sensorielle troublante et saisissante

Sophie, la trentaine passée, se remémore ses vacances avec son père en Turquie. En visionnant les images capturées à l’époque, elle cherche à répondre à ses questions et à mieux comprendre son père…

Aftersun film movie

Si Le Festival de Cannes est souvent accusé d’inviter toujours les mêmes têtes, il n’est pas possible de nier que celui-ci a permis de révéler ces dernières années de jeunes réalisateurs dont on savait, à la vision de leur premier essai cinématographique, qu’on assistait à un moment déterminant d’une future brillante carrière. On pense évidemment à Xavier Dolan, Justine Triet ou encore Julia Ducournau.

L’impression devant "Aftersun" est la même, le sentiment d’être témoin de la naissance d’une grande metteuse en scène omniprésente. Car dès les premiers instants de cette projection à la Semaine de la Critique, la grâce de Charlotte Wells transpire à chaque plan, chaque scène nous transporte dans un monde poignant, où les frontières temporelles sont floues mais les émotions bien réelles.

Tout commence par la voix d’une gamine de 11 ans, interrogeant son père tout en le filmant sur sa capacité à se projeter dans le futur. Le grain de l’image nous laisse suggérer une époque où le caméscope était encore roi. Puis subtilement, une ombre apparaît à l’écran, un autre décor se met en place sous nous yeux. On découvre Sophie, désormais trentenaire, sur son canapé en train de visionner ces images, celles d’un souvenir qui la hante depuis vingt ans. Le passé et le présent se mêlent, le réel et les fantasmes d’enfant ne font plus qu’un, la nostalgie épouse la mélancolie.

De ces chroniques d’un été turc, d’une apparence faussement anodine, Charlotte Wells en tire une œuvre puissante et déchirante, à la limite de la fantasmagorie de par ses effets de montage hautement maîtrisés. Derrière chaque sourire, on se questionne : y avait-il quelque chose à voir ? À comprendre ? À déceler dans l’attitude de ce père insaisissable ? En nous plongeant dans les mêmes tourments que sa protagoniste, cette œuvre profondément sensible nous foudroie, invitant les couleurs estivales à côtoyer les bleus à l’âme.

Mais "Aftersun" n’est pas qu’une simple succession de saynètes de lointains souvenirs. Dans ces VHS, il se joue quelque chose ; dans cette douceur, un mal-être plus intime semble s’esquisser. Les corps s’étreignent et s’éloignent, un karaoké raté révèle bien plus qu’une prestation manquée, la douceur ne cache pas le délitement capturé par la main innocente d’une petite fille, dont les fantômes du passé n’ont jamais disparu. Si ce métrage relève du miracle, cela est également dû à la prestation superlative de Paul Mescal et Frankie Corio, dont la pluie de nominations et récompenses qui s’est abattue sur eux ne souffre aucune contestation. Œuvre bouleversante et captivante, "Aftersun" fait partie de ces films qui nous habitent durant des semaines. Pour ceux qui ressentiraient le même émoi, la bonne nouvelle est que tous les courts métrages de Charlotte Wells sont actuellement disponibles sur Mubi (qui propose 7 jours gratuits).

Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur

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