SAW X
Un peu comme l’Iphone 10, le même mais différent
Le désormais tristement célèbre tueur au puzzle, appelé plus communément Jigsaw, se voit vite rattrapé par sa propre mortalité. Après avoir appris qu’il était atteint d’un cancer, John Kramer de son véritable nom, essaye tant bien que mal de trouver une solution qui lui permettrait de guérir afin de continuer ses expérimentations meurtrières. C’est alors qu’il fait la rencontre d’un groupe de médecins lui promettant le remède miracle. Très vite John constate l’arnaque dont il fait l’objet et décide de se venger d’une façon bien à lui…
20 ans ont passé depuis le court-métrage éponyme de James Wan et Leigh Whannel qui les a propulsés sur le devant de la scène et qui a, par la même occasion, démocratisé ce sous-genre de l'horreur qu'est le « torture-porn ». Avec maintenant neuf films et un spin-off ("Spirale – L'héritage de Saw"), la franchise "Saw" se présente à nous comme increvable. Bien que l'antagoniste principal John Kramer soit mort depuis 2006 avec "Saw 3", le studio Lionsgate a finalement, comme toujours, trouvé un moyen pour exploiter le filon. Que ce soit à l'aide de scénarios tarabiscotés ou à grands coups de 3D et plus dernièrement avec Chris Rock en tête d'affiche, les producteurs se sont amusés (à moindre coût bien évidemment, chaque budget étant de plus en plus restreint) à explorer, exploiter et épuiser la mythologie de leur franchise. Au point qu'on nous sert ce "Saw" dixième du nom en nous indiquant que les événements qui suivront se déroulent entre le premier opus (qui reste et restera une franche réussite) et le second (qui reste et restera une vraie - la seule? - bonne suite).
On peut alors commencer à dire qu'il est assez couillu de vouloir nous faire avaler la pilule selon laquelle notre bon vieux interprète de John a le même âge… 20 ans plus tard. Aussi gros soit le procédé, on ne pouvait bien entendu pas remplacer l’interprète historique de cet antagoniste : Tobin Bell. Sa prestation, tout en silence, geste lent et paroles lourdes de sens, nous ramène aux heures de gloire de la franchise. Personne d’autre que lui n’arrive à retranscrire ce mélange de folie et d’ingéniosité, de bêtise et d’intelligence qui ont fait la renommée de la série. Son regard bleu azur arrive encore à nous scotcher aux sièges et c’est bien lors de sa deuxième partie que le film renoue véritablement avec ce qui faisait le sel de la saga.
Hélas nous devons endurer une exposition qui prend beaucoup de temps pour poser des enjeux assez simples. L’arroseur arrosé n’est pas franchement un concept nouveau loin de là, avec des exemples récents de hautes tenues (on pense à "Don’t Breathe" de Fede Alvarez), tout en essayant de forcer l’empathie envers un tueur en série machiavélique mégalo cramé du bulbe. Le film nous perd un peu si on prend le risque de réfléchir un tant soit peu à ce qu’il se passe. Parce que non, en tant qu 'adepte de la série, l’auteur de ces lignes ne peut oublier le nombre de victimes accrochées en porte étendard au tableau de chasse de Monsieur. Difficile alors pour nous de marcher dans les clichés de mise en scène que le film met en place pour nous faire avaler la cigogne. Du ralenti avec lumière naturelle et caméra portée en veux-tu en voilà. Mais tout le monde n’est pas Terrence Malick, et Kevin Greutert, déjà a l'œuvre sur certains films de la saga (le numéro 6 plutôt efficace et l'indécent Chapitre Final), se montre tellement opportuniste dans sa démarche avec ce parti pris, certes couillu mais difficile à avaler, que ses tentatives pour nous faire croire que papi Kramer est un être sensible et vulnérable restent bien dérisoires.
Passé le concept de l’arroseur arrosé, le film devient une vraie partie de plaisir avec de beaux effets pratiques bien sanguinolents et des pièges qui nous tiraillent entre rire et dégoût. Les incontournables font leur retour comme l’amputation (ici très très graphique pour notre plus grand plaisir) ou encore une opération du crâne digne du climax du troisième épisode. Tout était réuni pour que l’ensemble emporte le morceau. On échappe même, un peu moins qu’à l’accoutumée, aux caméras agressives et psychédéliques. On ne dit pas que le film en est dénué, mais c’est un petit effort qu’il a le mérite d’être souligné. La photographie se fait également plus lumineuse et ainsi plus lisible pour notre plus grand plaisir. On n’en perd ainsi pas une miette, et dans la saga, ça se pose là. Hélas le film termine de la même manière qu' il avait commencé, en nous faisant croire que John Kramer et l’Abbé Pierre partageaient la même morale.
Le rythme pâtit un peu du côté programmatique de l’ensemble, étalée sur presque deux heures. Là où l’original ne faisait qu’une bonne heure et demie sans générique et nous paraissait être un bon train fantôme sans temps mort, cette énième suite nous semble un peu en pilotage automatique et sans réel intérêt dans la mythologie de la saga. Jamais cet évènement n’a été évoqué dans les films qui l’ont précédé ou suivi. Dommage, car le plaisir reste intact lorsque Jigsaw balance ses répliques cultes ou lorsqu’on entend le thème original retentir à l’approche d’un twist. Peut-être que tous ces retours emblématiques des figures de l’horreur passée ont atteint leur limites d’exploitation. Peut-être qu’il est temps de tourner la page.
Germain BrévotEnvoyer un message au rédacteur