SAW

Un film de James Wan

Aussi manipulateur avec ses personnages qu’avec le spectateur

Deux hommes, Adam et Lawrence, se réveillent enchaînés au mur d’une salle de bains. Ils ignorent où ils sont et ne se connaissent pas. Ils savent juste que Lawrence a six heures pour tuer Adam, sans quoi sa famille sera tuée, et les deux hommes également…

Autant le dire d’emblée, Saw est à ranger aux côtés de Seven ou Usual Suspects sur l’étagère des whodunits fracassants. Sa mécanique scénaristique diabolique (que l’on doit à Leigh Whannell, l’interprète d’Adam), qui s’appuie sur un récit déconstruit fait de multiples flash-back, déjoue tout pronostique et atteint les sommets lors d’un final aussi intense que bluffant. Aussi manipulateur avec ses personnages qu’il l’est avec le spectateur, le film renvoie immanquablement à Hitchcock pour sa « direction de spectateurs » et au meilleur du thriller hollywoodien craspec dont il utilise les ficelles en les poussant à une certaine extrémité.

Lorgnant largement vers l’horreur, le premier film de James Wan vaut non seulement pour son génial scénario mais aussi pour son atmosphère déliquescente, où un criminel anthropologue teste l’instinct de survie de ses victimes à travers des jeux sadiques dont l’évidente connotation moraliste (pousser des hommes dans leurs retranchements pour qu’ils prennent conscience de leur chance d’être vivant) donne une dimension supplémentaire à l’ensemble : le méchant n’est pas véritablement un assassin, créant pour les autres les conditions de leur propre mort. Erigé alors en image de Dieu (ou du Diable c’est selon), le « monstre » prend une dimension insaisissable et l’œuvre n’en est que plus angoissante.

Cette angoisse du fond (tant dans la mécanique que les enjeux du scénario) est portée par une forme simple mais très efficace. Un style sec et nerveux où chaque scène est abordée frontalement, sans crainte des citations inévitables mais avec une ardeur viscérale qui culmine lors des « accélérations » du récit, signifiant avec force le chaos mental provoqué par les petits jeux malsains du psychopathe. L’ambiance glauque et crade, directement inspirée des Survival des années 70, achève de donner à ce petit thriller malin l’énergie sombre nécessaire.

Dans le jargon, on appelle ça un petit chef-d’œuvre.

Thomas BourgeoisEnvoyer un message au rédacteur

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