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LA PRINCESSE DE MONTPENSIER

Un film de Bertrand Tavernier

Un mariage, quatre courtisans

En 1562, alors que catholiques et protestants embrasent le pays d’une guerre fratricide, la jeune Marie de Mezières tombe amoureuse du fougueux Duc de Guise. Malheureusement, son père lui préfère le Prince de Montpensier, espérant ainsi donner à sa famille un statut social qu’elle n’avait pas jusqu’alors. Timide et naïf, l’heureux élu sera très vite appelé sur les champs de bataille et laissera sa jeune épouse aux soins du Comte de Chabannes, un homme honnête et droit qui ne tardera pas à succomber aux charmes de la jeune mariée…

Excellent conteur d’histoires, Bertrand Tavernier a su, au gré de sa filmographie, nous plonger dans des univers totalement différents. Des postes de police insalubres de «L.627» aux «Brumes Électriques» des bayous de Louisiane, du front des Balkans de «Capitaine Conan» aux berges du Rhône d’«Une semaine de Vacances», chacun de ses films vous porte du début à la fin, sans une once d’ennui. Pédagogique et passionné, il a la faculté de fouiller son sujet tout en allant à l’essentiel. «La princesse de Montpensier» ne faillit pas à la règle, en nous proposant une rafraichissante adaptation d’une nouvelle de Madame de Lafayette.

Capes, épées, complots et Histoire de France agrémentent à merveille cette histoire d’amour où une jeune fille doit apprendre à apprivoiser ses sentiments face à quatre courtisans fort différents : l’amour de jeunesse arriviste et emporté, le mari complexé et jaloux, le futur Roi élégant et joueur, et enfin l'humaniste complice et loyal de 20 ans son ainé. Bien que paré de tous les atours du film en costumes (phrasé noble et scènes de duel), le film ne s’échappe à aucun moment dans le lyrisme des œuvres du genre. Au contraire, Tavernier s’attache à retranscrire un certain réalisme d’époque en soulignant tous les détails propres aux années 1560. Pour exemple la scène de la nuit de noce où le dépucelage des jeunes mariés a lieu sous les yeux de toute la famille. Ou bien encore les scènes d’actions réalisées sans doublures où l’on ressent bien le poids des épées et la gaucherie de ces apprentis guerriers.

Ces scènes pourront paraître désuètes à certains, mais elles n’enlèvent rien au charme du film. Preuve d’un récit bien construit, on est tout de suite captivé par les déconvenues et les choix qui sont imposés à la jeune fille. « La princesse de Montpensier » dessine ainsi le portrait d’une époque où il fallait user de stratégie autant en amour qu’en pouvoir ! Le film dispose d'une histoire comme on les aime, où les destins se jouent dans les alcôves, lors de bals costumés ou à l’occasion d’une partie de chasse.

De tous les acteurs, quelques-uns savent brillamment tirer leur épingle du jeu, notamment Raphaël Personnaz qui campe un Duc d’Anjou aussi mystérieux qu’élégant. Michel Vuillermoz est comme toujours parfaitement juste, même en costumes ! Mais la plus belle prestation est encore celle de Lambert Wilson, décidément l’un des meilleurs acteurs français de sa génération. Raffiné, émouvant, d’une diction naturelle et précise, il est en tout point impeccable. À l’affiche d’un autre film en compétition à Cannes «Des hommes et des dieux», il aurait amplement mérité de recevoir avec Javier Bardem et Elio Germano le prix d’interprétation masculine.

Gaëlle BouchéEnvoyer un message au rédacteur

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