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MARINETTE

Un film de Virginie Verrier

« Elle est vraiment, elle est vraiment PHÉ-NO-MÉ-NALE »

Marinette Pichon a le football en elle depuis son plus jeune âge. Malheureusement pour elle, le monde n’accepte pas encore cette idée qu’une fille puisse y jouer. Sa situation familiale n’arrange pas les choses pour que la jeune prodige arrive à atteindre son but : faire du foot, sa vie…

Marinette film movie

L'auteur de ces lignes tient à préciser d'entrée de jeu qu'il n'est ni fan du sport dont traite le film ni très enclin à se diriger sur le genre du biopic. Souvent fainéant, sur-explicatif et artificiel, le biopic en tant que tel peut donner de temps en temps des réussites fulgurantes. "Elvis" de Baz Luhrmann, "Pentagon Papers" de Steven Spielberg (et même son "Lincoln") pour ne citer qu'eux, sont les preuves qu'entre de bonnes mains et avec une réelle intention de s'approprier son sujet, un biopic peut devenir plus qu'une simple page Wikipédia. Heureusement pour nous, le film de Virginie Verrier aurait tendance à se placer dans cette catégorie réussie, plutôt que de rejoindre la longue liste des biopics oubliables et oubliés (sérieusement, qui se souvient de "Get On Up" sur James Brown ?).

On peut alors souligner le premier parti pris du film : sa narration fragmentée. On passe régulièrement de l’enfance de Marinette Pichon dans les années 70, à son adolescence et sa percée dans le monde du football au début des années 2000. Le tout mélangé provoque des ellipses importantes et déconcertantes, pour les spectateurs les moins investis, mais on remarquera un système de résonance bienvenue entre toutes ces périodes de sa vie. Chaque étape vient ainsi se confronter à une autre passée ou future. Le spectateur est embarqué dans les diverses aventures de Marinette, qu'elles soient à Saint Memmie, Paris ou encore aux États-Unis. Le rythme du film devient intéressant ; parfois rapide et énergique, cela ne l'empêche pas de se poser. La direction narrative prise, permet ces fluctuations tout en cohérence et accentue l'immersion dans le film. Lors des séquences sportives, ayant eu le bagage émotionnel passé du personnage ou en ayant la sensation d'avoir une longueur d'avance sur Marinette et son destin, c'est tout un procédé ludique qui s'installe pour le spectateur.

Soulignons également l'autre apport de la réalisatrice à ce biopic : sa forme. Là où un Danny Cannon avec son risible "Goal ! - Naissance d'un prodige" rendait son film digne d'une pub Nike à grand renfort d'effets de styles et de ralentis, sur le même sujet Virginie Verrier donne un ton presque naturaliste à son film. Le tout est emballé caméra à l'épaule, proche des corps et des émotions. Les paysages où évoluent Marinette sont toujours filmés de manière fugace, à saisir l'instant sans tomber dans le sensationnalisme. Une balade sur une plage devient alors un moment d'épure, là où d'autres en auraient fait des caisses. Un drame familial choquant est montré de manière brute, sans voyeurisme, sans musique, seulement ponctué des cris déchirants de notre héroïne. On se réjouit donc de la manière dont la réalisatrice s'empare de son sujet tout en évitant un certain pathos. Même la colorimétrie choisit d'épouser des teintes naturelles presque neutres.

On se sent alors proche de cette star du ballon rond qui, malgré ses talents extraordinaires, nous paraît familière. La musique, composée par Jean-Fabien Dijoud, toute en son électronique, nous embarque et nous touche. Son utilisation n'est jamais omniprésente, et sert les séquences, tout en créant un décalage : c'est un style de musique reconnaissable entre mille aujourd’hui, mais à l'époque de notre personnage celle-ci n'existe pas encore. Souvent faussement diégétique, quand Marinette écoute son disc-man (!), elle nous propulse dans un futur que nous connaissons, mais notre personnage principal pas encore. Une sorte de boule de cristal qui nous dit que même si cette musique est anachronique, elle n'est là que pour représenter la présence sur la scène internationale de Marinette Pichon encore aujourd’hui.

Ceci peut-être même plus encore aujourd’hui. Car c'est l'autre point fort du métrage, d'être engagé. On sent la volonté de la cinéaste, et surtout de Garance Marillier, de servir un film au message fort : un cycle doit être cassé, cela fait trop longtemps qu'il dure, laissons nos joueuses françaises avoir le statut de professionnelles. Scandaleux encore aujourd'hui en 2023 d'apprendre cette triste réalité toujours d'actualité. Plus globalement, le film porte en lui un message éminemment féministe sur la place de la femme dans un milieu aussi masculin que le foot. Marinette dès son plus jeune âge se fait moquer par ses camarades, la faisant passer pour une « impostrice » non légitime à marcher sur les pas d’un sport qui est considéré « pour les hommes ». Même après avoir démontré au monde entier qui elle est et ce qu'elle vaut, les commentaires et insultes continuent. Et lorsqu'un journaliste l'interroge sur sa sexualité, Marinette se voit confrontée à l'homophobie. La cinéaste n'en rajoute pas côté mise en scène ou situations. Mais finalement il n'y a pas besoin, nous restons choqués et interloqués d'un tel climat hostile encore répandu aujourd'hui.

Le film met en avant la différence culturelle lorsqu'elle s'envole pour les États-Unis. Un décalage énorme de considération apparaît alors entre notre pays et celui outre-Atlantique : chez l'un on crache sur les joueuses, chez l'autre on les célèbre comme des stars. Et quand un journaliste sportif interpelle Marinette sur le niveau des joueuses qui laisse à désirer, la critique au vitriol est lancée sur la Fédération qui, tant qu'elle ne mettra ni le statut ni les salaires ni les équipements, continuera à entretenir un système qui dévalorise ces sportives de haut niveau. Quand on remarque que l'on est un des seuls pays à encore continuer dans cette voie, il y a de quoi ressortir de la séance avec les poings serrés. Et ce que nous dit Virginie Verrier c'est que ce problème est global, touche toutes les sphères et toutes les classes sociales. Le regard caméra de Marinette à la fin, en fermant une porte, est lourd de symbolique : c'est à nous, les hommes dans cette salle obscure, de se réveiller et marcher aux côtés de Marinette et de toutes les femmes, pour les épauler dans leur lutte. Franchement, ça ne vous choque pas d'apprendre que maintenant (et d'avoir besoin d'un film consacré à cela) que nous avions dans notre pays la meilleure buteuse du monde ?

Germain BrévotEnvoyer un message au rédacteur

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