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LE PRINCE OUBLIÉ

Le conte à oublier

Tous les soirs, pour s’endormir, Sofia écoute les histoires extraordinaires que lui raconte son père. Dans cette histoire, elle est une princesse sans cesse délivrée par un prince courageux qui a le visage de son père. Mais lorsqu’elle rentre au collège, ces histoires lui paraissent désuètes et sans intérêt. Son père doit accepter que sa fille grandisse et s’éloigne de lui, mais persiste à faire en sorte que son alter ego ne soit pas éjecté de l’histoire…

Le prince oublié film image

Il était une fois, dans un cinéma français pas si lointain, un gentil prince nommé Michel qui vivait heureux avec sa princesse Bérénice. Leur rencontre avait donné naissance à de beaux enfants nommés "OSS 117 Le Caire nid d’espions", "The Artist", "The Search" et plus récemment "Le Redoutable", et leur amour semblait prêt à engendrer une longue lignée de créations fortes et audacieuses, capables de rester dans l’esprit de leurs spectateurs. Hélas, un beau jour, le prince s’est dit qu’il valait peut-être mieux se servir de son art pour éduquer les enfants, et, après avoir parlé à un vilain merle nommé Bruno (le scénariste), il décida donc de se lancer dans la conception d’un conte.

Jeu d’enfant, aurait-on pu croire, les enfants. Mais hélas, le destin en décida autrement, et le jeune prince autrefois adoré et récompensé trébucha pour la première fois sur sa route glorieuse. Il ne pouvait en être autrement au vu d’un récit bêbête où un prince veuf nommé Omar tente d’entretenir l’émerveillement et l’innocence de sa (pas si) petite fille en lui racontant une histoire censée être l’illustration décalée de leur quotidien, et où sa progéniture, gagnée par le cynisme et attirée par une culture totalement à l’opposé, finit par se faire une autre idée du mot « prince ». En gros, d’un côté comme de l’autre, le prince se fait chiper sa couronne par un autre, et le tout est de savoir comment éviter de finir aux oubliettes.

Il faut déjà dire que le prince Michel n’a pas vraiment gâté le prince Omar : en plus d’en avoir fait un banal papa poule comme il en avait déjà trop joué ces derniers temps (et de lui demander de répéter en boucle son célèbre rire), il fallait aussi lui faire enfiler la panoplie de Blanche-Neige et lui mettre des palmes aux mains pour jouer les super-héros dans un monde imaginaire à mi-chemin entre un sous-"Tomorrowland" et un ersatz live de cartoon Nickelodeon. Le travail du prince ne visait d’ailleurs qu’à servir l’opposition caricaturale entre deux idées : d’un côté la pureté de l’imaginaire alimentée par des adultes qui avaient su garder leur âme d’enfant ; de l’autre la culture wesh-frime-iPhone que des ados boutonneux à 2 de QI conditionnés par la maléfique sorcière Lisa Azuelos ("LOL") persistaient à entretenir.

Ainsi, avec un imaginaire coincé à la maternelle, une morale sauve assénée par sa gardienne (la princesse Bérénice, qui précisait ici à voix haute que toutes les portes peuvent s’ouvrir grâce à la confiance) et des signaux subliminaux casés de temps en temps sur des slogans publicitaires, le monde merveilleux du prince Michel tomba vite en ruine. Même l’insistance de certains jeunes à qualifier de « reloues » des expressions bien niaises (du genre « A cœur vaillant rien n’est impossible ») aura suffi à nous inciter à penser pareil tout au long du récit. Et de ce fait, le prince Michel n’aura fait que pervertir lui-même ses propres bonnes intentions, signant à son corps défendant le triomphe du cynisme sur la magie. Ainsi s’achève notre tragique histoire. Maintenant, pipi, les dents et au lit !

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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