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CAUGHT BY THE TIDES

Un film de Jia Zhangke

Une fresque brumeuse

A travers différents paysages de la Chine industrielle, de 2001 à nos jours, un homme et une femme se retrouvent et se quittent…

« Une fresque brumeuse », tel pourrait être le sous-titre de ce film au premier tiers aussi long qu’opaque. Mais la patience étant mère de toutes les vertus, si vous résistez à l’envie de vous lever de votre siège pendant la première demi-heure, vous serez bien récompensé… "Caught by the Tides" est un film étrange. Dans sa forme, surtout. Car, une fois rentré dans l’histoire, son fond apparaît comme limpide. C’est l’histoire d’une femme qui s’en va rejoindre l’homme qu’elle aime et qui est parti dans une autre région de Chine sans plus donner d’autres signes de vie. C’est l’histoire de la Chine et de l’évolution de sa société, du début des années 2000 à la crise du COVID. 25 ans d’histoire, 25 ans de rushs. Car ce film dont on ne comprend tout d’abord que les contours, est en fait un patchwork fait de différents motifs tirés des anciens films du réalisateur Jia Zhang Ke ("Still Life", "A Touch of Sin"...), seul le dernier tiers montrant la période actuelle ayant été tourné pour les besoins du film.

De ce montage un peu fou, visant, comme un Frankenstein du cinéma, à recréer un film en utilisant des bouts d’autres films, ressort un enchaînement d’images qui nous laisse tout d’abord perplexes et incapables de se raccrocher à un visage ou un semblant d’histoire. Un dédale montrant sans ordre chanteuses de café, passants, ouvriers et interview lunaire (celle du directeur de la maison de la culture par exemple, présentant fièrement le lieu délabré qu’il déclare venir de refaire faire et où des chanteuses se produisent contre un pourcentage). Enfin, de ce fourmillement d’images éparses, se dégage un visage qui revient plus que les autres. Un visage qu’on suit, dans ses petits boulots de mannequins pour quelques sous, puis dans le grand voyage qu’elle entreprend pour retrouver l’homme qu’elle aime.

Cette femme presque mutique, s’exprime par ses yeux. Cette femme c’est Zhao Tao, une actrice ayant joué dans plusieurs longs métrages du cinéaste ("Les Éternels", "Au-delà des montagnes"...). La brume opaque se détache tout doucement autour d’elle, et, fascinés, nous la regardons traverser le temps, trouver son indépendance, avec mélancolie et avec résilience. C’est une histoire dans laquelle on s’enfonce comme dans un rêve, celui auquel on ne comprend tout d’abord rien avant d’en décoder le sens profond. Une histoire de solitudes, où l’on regarde les machines avec un œil tendre, car elles font plus attention à nous que d’autres êtres humains, une histoire qui parle de la Chine et des changements qui s’opèrent dans la société, une histoire de cinéma.

Amande DionneEnvoyer un message au rédacteur

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