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INTERVIEW

IRIS ET LES HOMMES

Caroline Vignal et Vincent Elbaz

réalisatrice et scénariste, et acteur

« Iris et les hommes » est une comédie parlant bien plus que d’adultère mais de désir, d’une quête et d’amour de soi. Un film avec des dialogues et des situations inattendus, une mise en scène rythmée influencée par le cinéma de la Nouvelle Vague, une Laure Calamy et un Vincent Elbaz formant un duo « désiré-désirant ». Rencontre avec la réalisatrice Caroline Vignal et le comédien, Vincent Elbaz au Sofitel de Lyon pour la conférence de presse, en petit commité.

Entretien Interview Rencontre
© Diaphana Distribution

Au départ, un site de rencontre

Caroline Vignal : L’idée du scénario m’est venue un soir où une amie de mon âge m’a raconté qu’elle s’était inscrite sur un site de rencontre après une séparation assez douloureuse. C’est la manière dont elle me l’a racontée, assez passionnante et à la fois très drôle, qui m’a donné l’envie de m’en inspirer pour écrire une comédie. J’ai donc mixé son expérience avec l’idée d’une femme mariée car parler du couple, du désir et de ses mystères m’a toujours intéressée. Je me suis donc moi-même inscrite sur un site de rencontre. J’ai tout archivé. Et je me suis beaucoup servi de cette matière y compris dans les dialogues d’ailleurs. Après c’était plus sur la partie familiale et conjugale où j’avais un peu plus de mal. J’ai donc fait appel pour la version 4 du scénario à une scénariste.

« Le polyamour c’est révolutionnaire, dehors y a de la vie, y a de l’air »

Vincent Elbaz : Quand le personnage d’Iris dit polyamour, moi je l’entends : Là où y a du désir y a des sentiments, y a de l’amour. Là où il y a des rencontres, y a de l’Humanité. Ce qu’Iris fait de cette application de site de rencontre c’est un truc qui lui est propre à elle. C’est pas de la consommation. J’ai pas de jugement moral sur la fidélité. Le film n’en porte pas non plus. C’est pour ça que ce n’est pas un film sur l’adultère.

Caroline Vignal : Je ne veux pas du tout généraliser. Mais ici il s’agit de l’histoire d’Iris. Il y a quelque chose qui s’est bloqué avec son mari et qui s’est bloqué au niveau de la parole je pense. Si tout allait bien après la première scène d’ostéopathie, elle lui dirait «  écoute je me rends compte que vraiment ça ne va pas entre nous » Et peut être qu’ils en parleraient. Peut-être qu’ils iraient chez un sexologue… Ils trouveraient un autre moyen de se retrouver. Mais il y a un blocage, presque comme une timidité à aborder le sujet ensemble. Et donc elle trouve ce moyen étrange qui est d’aller se retrouver auprès d’inconnus. Et de reconquérir sa féminité, sa libido, une sorte de réconciliation par le sexe. Mais le film ne dit pas que c’est la solution pour tout le monde, et que le polyamour est génial. Je pense que tout est possible et que chacun fait comme il peut. Je pense que ce film peut renvoyer à sa propre intimité et ça peut déstabiliser selon ce qu’on est en train de vivre.

La vibration du téléphone, un vrai ressort comique

C.V : Les vibrations des téléphones ponctuent nos journées. Ça peut être vécu comme le vit Iris, une agression et/ou comme une addiction, une excitation, un pique d’adrénaline à recevoir autant de messages. Donc on a essayé avec l’équipe technique du son de trouver une manière pour arriver à faire exister ce téléphone presque comme un personnage.

L’idée d’en avoir fait une dentiste

C.V : C’est toujours difficile de donner un métier aux personnages. J’avais besoin d’un métier avec lequel je puisse jouer. C’est à dire qu’il puisse y avoir des interactions avec ce qu’elle vit, que ça puisse être marrant. Le comique est amené par le fait que les patients sont forcés au silence. Ça amène un truc assez drôle. Puis j’ai rajouté le personnage de l’assistante interprétée par Suzanne De Baecque, que j’ai choisie, car j’ai eu un énorme coup de cœur en la voyant au théâtre. Elle a un sens du burlesque et en même temps elle amène quelque chose de très touchant, de très joli, de presque poétique.

Un visage sur les personnages

C.V : Je mets un visage sur les personnages très tard. En fait, j’en mets pas pendant l’écriture, sauf plutôt des gens que je connais, mais qui ne sont pas des comédiens. Puis une fois le scénario terminé, j’avais envie d’un beau couple pour que ça renforce le mystère de ce qui se passe entre eux. Donc j’ai pensé à Laure Calamy et Vincent Elbaz. Plus on aurait un mari objectivement désirable et cool, plus on pourrait se demander « mais comment ils ont pu en arriver là ! ». Il coche presque toutes les cases et pourtant…

On ne sait pas ce qui se passe chez les gens. Leur vie de couple est un mystère. C’est pas parce que son mari est beau, au sens normé du terme, et qu’il coche presque toutes les cases, que parfois ça suffit dans un couple. C’est ça que vit Iris.

Vincent Elbaz : Moi, ce qui m’a attiré c’est d’abord le scénario très drôle et très intelligent. J’ai tout de suite vu le potentiel du rôle de Stéphane, qui nécessitait souvent une sobriété dans le jeu, quelque chose de recevoir ce que l’autre a à donner. C’est un personnage qui peut être émouvant. On peut s’identifier à lui.

C.V : Stéphane est un personnage qui est dans le déni. Mais quand il comprend finalement ce qui se passe il a l’intelligence de laisser passer la vague. Il tient suffisamment à sa femme, à son couple, à sa famille, pour ne pas aller au conflit sauf au moment où elle passe la ligne devant ses enfants. Là il réagit.

Le désir ça va ça vient

C.V : Le film raconte qu’Iris se transforme physiquement. Au départ elle est éteinte, dans le déni. Puis elle change de façon de s’habiller, elle rajeunit, elle devient de plus en plus sexy. Il y a un moment où son mari voit cette transformation. Il la voit se métamorphoser sous ses yeux. Elle devient désirable à ses yeux à elle pour le devenir à ses yeux à lui. Ce n’est pas pour l’aspect introspection (l’iris de l’œil ou la fleur) que je l’ai prénommée Iris, mais c’est un beau hasard.

Les différentes étapes d’une vie

C.V : « Il semble que tu étais la dernière de ta bande à être passée à la casserole » lui dit Stéphane. Effectivement c’est peut être une femme qui a eu une adolescence ou une jeunesse pas très rock’n roll. Peut-être sage à cette époque là de sa vie et qui vit une adolescence tardive d’une certaine manière, c’est possible. Elle contrôle plus rien, elle a des espèces de pulsions. Puis il y a une phase où elle est en toute puissance. Où elle a une confiance en elle totale. C’est ce qui va l’aider à reconquérir son mari pour qui elle a plus de pudeur. Avec qui c’est plus difficile de se dévoiler et de communiquer.

Une séquence de comédie musicale

C.V : J’ai toujours rêvé de faire une comédie musicale. Ce projet s’est longtemps appelé "It’s raining men" et un moment je me suis dis : allons-y. J’ai adapté les paroles. Et Après la difficulté c’était de le réaliser. J’ai recruté 40 danseurs. Ça a pris énormément de temps, aussi pour Laure Calamy, de préparation, de répétition des danses et du chant. Mais c’était incroyable à faire.

Des images et un univers vintage

C.V : Avec mon chef opérateur on aime le cinéma de la Nouvelle Vague. C’est un cinéma qui me nourrit. Il fallait trouver comment faire pour que ça ne soit pas un film visuellement plat. Les lieux du film qui sont en intérieurs (appartements, cafés...), on les a vu des milliers de fois au cinéma. Donc on a cherché une manière de rendre les images belles. Le chef opérateur a essayé de se rapprocher le plus possible de l’argentique. Ça ne sera jamais aussi beau que de la pellicule, mais on a voulu s’en approcher. Je voulais un film atemporel, des années 60 sans être parodique. On a donc cherché à travers les costumes, les couleurs, la musique, à être dans quelque chose d’intemporel.

Un film féministe et non sexiste

C.V : Oui, le film est féministe, mais peut-être que pour certaines féministes elles ne vont pas le considérer comme tel. C’est une femme qui va quand même s’épanouir en allant voir des hommes. Donc le film dit qu’elle a besoin des hommes pour se retrouver. Donc je sais que pour certaines féministes actuellement c’est un truc qui ne passe plus. Mais pour moi c’est une femme qui se bat pour sa propre liberté, pour son propre plaisir. Elle dit, « Je ne céderai plus sur mon désir ». Ce qu’elle vit chez elle ne lui convient plus. Et si ça ne change pas, elle a beau aimer son mari, ne pas avoir envie de briser sa famille, elle ne veut pas revenir à ce qu’elle vivait avant cette aventure.

Georgy Batrikian Envoyer un message au rédacteur

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