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INTERVIEW

MAMMUTH

Gustave Kervern

Réalisateur

Journaliste :
Serge, c’est un personnage que vous avez aimé inventer ?

Gustave Kervern :
En fait, nous ne travaillons pas à partir des profils psychologiques de nos personnages. Certains aiment les définir, pas nous. On démarre en général le tournage de manière assez ouvert…

© Ad Vitam

Journaliste :
Serge, c'est un personnage que vous avez aimé inventer ?

Gustave Kervern :
En fait, nous ne travaillons pas à partir des profils psychologiques de nos personnages. Certains aiment les définir, pas nous. On démarre en général le tournage de manière assez ouverte. Serge, il est assez indéfinissable. Ca n'est pas vraiment un neuneu, ni un colérique. On avait écrit une scène où il s'énervait vraiment, qu'on a fini par enlever... Depardieu a finalement bien étudié son personnage, et on a par exemple remplacé un coup de poing contre un mur par le plongeon dans la rivière. Il y a quelque chose de mystérieux dans la définition de ce personnage... Un profil qui s'affine naturellement. C'est un manuel, il est devenu attachant, il a atteint le stade de la sagesse... Et comme tout le monde, il finit par revenir vers sa femme.

Journaliste :
Vous avez toujours pensé à quelqu'un de la stature de Depardieu pour ce rôle ?

Gustave Kervern :
Oui. En général on tourne en juillet-août, en dehors des périodes de Groland. On était en avril, "Louise Michel" était sorti en décembre, et comme on ne voyait que Depardieu pour le rôle. On l'a rencontré. On avait juste l'idée, et on ne voulait pas écrire pour rien. Il a dit oui. On est revenu deux mois plus tard avec le scénario, où on avait eu l'idée de mettre Depardieu dans des chaussons... Nous, on aime faire un film comme recevoir à dîner. Il fallait le mettre dans l'ambiance. Comme sur le tournage, avec les scènes dans la charcuterie le premier jour... C'est quelqu'un qu'il faut arriver à rendre curieux des autres, car il est toujours pressé et on a du mal à savoir ce qu'il pense.
Avec ce film, il a clairement retrouvé sa puissance de jeu, sans en faire trop. Il nous a fait don de son corps, de ses silences, de ses regards. Le tout sans être payé.

Journaliste :
Ce film n'est pas uniquement une comédie, contrairement à vos précédents films...

Gustave Kervern :
C'est vrai. Il y a un coté nostalgique, mais on ne savait pas s'il y aurait une dominante triste ou gaie. Ici, les personnages n'ont pas envie de tuer tous les patrons, même si pour Depardieu, on y a pensé. Mais on ne voulait pas faire deux fois le même film. Et surtout, il est important que le film soit crédible, comme dans "Louise Michel"... Comme cela on peut faire passer des grosses conneries en étant toujours sur un fil.

Journaliste :
Comment s'est fait le choix des seconds rôles, qui pour certains sont justes des apparitions ?

Gustave Kervern :
Siné est copain de Benoît, et il tenait déjà un petit rôle dans "Louise Michel". Poelvoorde, on le connaît depuis qu'il est à Paris. Mais on aime bien aussi les rencontres, se faire de nouveaux amis, "agrandir l'internationale des abrutis", "le réseau des pirates", avec des gens qui ont un esprit libre, un peu de dinguerie. Quant à Adjani, nous l'avons plus choisie pour ses déclarations. On cherche finalement la différence.

Journaliste :
Comment est-ce que vous avez trouvé Miss Ming ?

Gustave Kervern :
On l'avait vue sur une plage lors du tournage d'"Avida", où elle déclamait des poèmes. On a pris ses coordonnées. Elle a un léger handicap mental du fait d'un accident de voiture. Comme on avait gardé ses coordonnées, on l'a fait jouer dans "Louise Michel", une cancéreuse en phase terminale qui va tuer un patron. On lui a redemandé pour "Mammuth". Elle a un coté inventif, une gentillesse débordante.

Journaliste :
"Mammuth", c'est un peu aussi votre regard sur la retraite...

Gustave Kervern :
Ce n'est pas un sujet très sexy en soi. Dans Groland, on a fait beaucoup de trucs avec des retraités. Et puis, avec les réformes en cours, Benoît a reçu le récapitulatif de ses anciens boulots, et c'est assez bizarre de revoir des contrats de deux mois qu'on avait parfois oubliés. Tu refais un peu ta vie à l'envers. Comme notre personnage. L'idée des attestations était un point de départ réel. Mais c'est quand notre héros brûle ses papiers qu'il découvre le côté artiste qui est en lui. Il étudie la poésie au bac et on avait d'ailleurs initialement prévu qu'il ait le bac, mais on a abandonné cette idée... Car notre film est aussi un film sur l'amour, et Depardieu y est pour quelque chose, les bulletins devenant alors annexes.

Journaliste :
C'est votre premier film qui se retrouve en compétition d'un des plus grands festivals du monde. Comment avez-vous vécu son accueil à Berlin ?

Gustave Kervern :
Peut-être qu’ils nous ont sélectionnés parce qu’ils en ont eu marre de la mode des écrivains en chambre. Ils sont sûrement preneurs de choses différentes. Ce qui peut déconcerter dans notre film, c'est que nous avons tourné avec de la pellicule réversible, dont on ne développe que le positif, d'où des couleurs accentuées. Il s'agit pour nous d'être curieux, d'être étonnés, d'explorer...
On a eu d'autres meilleurs souvenirs de prix, comme à Sundance ou San Sebastian. C'est extraordinaire de présenter des films de par le monde. Sauf pour ma femme, qui va finir par craquer...

Olivier Bachelard Envoyer un message au rédacteur

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