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MAMMUTH

Molosse en virée

Serge vient tout juste d’avoir 60 ans. Dans la charcuterie qui l’emploie, on fête son départ à la retraite. Rapidement, Serge tourne en rond chez lui. S’apercevant qu’il lui manque un certain nombre de papier pour pouvoir toucher à plein sa pension, il décide, sur les conseils de sa femme, de partir sur les traces de ses boulots passés. Il enfourche alors sa Mammuth, une moto de collection…

Après "Louise - Michel" le duo provocateur Delépine - Kervern s'attaque une nouvelle fois aux travers du monde du travail. Ils nous livrent cependant ici un film moins tourné vers la comédie, laissant place à l'émotion au travers du retour en amnésie qu'effectue un soixantenaire confronté à une soudaine retraite. Se focalisant tout d'abord sur l'ennui (Depardieu tourne en rond, comme un lion en cage, dans sa cuisine), ils en profitent, dès le périple en moto, à la recherche de papiers administratifs, pour épingler le travail au noir, la pingrerie et la mauvaise fois des patrons, en même temps que l'absence de respect entre génération.

Mais étonnement, au fil du récit, leur humour mordant fait peu à peu place à une sensibilité nouvelle, presque nostalgique. Au fil des apparitions d'Isabelle Adjani, fantôme d'un amour (ou fantasme) passé, évènement inoubliable dans une vie, car évènement manqué, une émotion nous étreint, comme elle emplit les regards d'un Depardieu obligé de scruter son passé. De rencontres en rencontres, cet homme soudain sans perspective va devoir retrouver un moteur à sa vie. Et les personnages secondaires du film vont l'y aider, chacun à sa manière, plus ou moins honnête, plus ou moins dérangeante.

Parmi eux, il y a Benoît Poelvoorde en pathétique et agressif chercheur de métaux sur une plage, Anna Mouglalis en accidentée envahissante et pas très bien intentionnée, et surtout Miss Ming en nièce de Serge, artiste barrée, qui va servir de déclic, en l'incitant à toutes sortes de happenings: chier la nuit dans les trous des golfs, faire un CV avec du papier cul et le sang de ses règles... Face à eux, Gérard Depardieu, qui a travaillé gratuitement sur le film, a rarement été aussi libre. Renfrogné, timide, imposant et décati, il fait figure de molosse au cœur tendre qui aurait tout à coup perdu son chemin. Avec Delépine et Kervern, il a peut être trouvé une nouvelle famille de cinéma, au cœur de laquelle on espère le voir plus souvent.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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