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TOP FILMS : Les inoubliables "Lion d'or" de Venise

Le plus vieux festival de cinéma remet son premier « Lion d’or » en 1954. Entre 1949 et 1953, les organisateurs ont d’abord décerné un « Lion de San Marco ». 55 films ont été honorés de cette récompense, parmi lesquels des chefs d’œuvre inoubliables. Quatre cinéastes ont obtenu deux fois la statuette : André Cayatte (en 1950 et 1960), Louis Malle (en 1980 et 1987), Zhang Yimou (en 1992 et 1999) et Ang Lee (en 2005 et 2007). À l’occasion de sa 70e édition cette année, Abus de Ciné vous présente quelques uns des plus beaux Lion d’or de la Mostra de Venise.

© Daiei

RASHOMON
d’Akira Kurosawa – 1950 – Japon

L’histoire de « Rashomon », qui a inspiré beaucoup d’autres films avec sa structure narrative propre, voit quatre protagonistes raconter sa propre version des faits d’un meurtre survenu dans une forêt. Un film schizophrène brillant présenté à la Mostra de Venise en 1951, qui après ce fameux Lion d'or remporte à Hollywood l'Oscar du meilleur film en langue étrangère.
Le film, qui obtint un véritable succès, gagna le statut de chef d’œuvre dans l’histoire du cinéma. Il permit de faire connaître d’autres cinéastes japonais, l’île s’ouvrant depuis sur les territoires européens et américains. Le terme "Rashomon" trouva même sa place en 2008 dans le prestigieux Oxford English Dictionary, pour qualifier les interprétations contradictoires d’un même événement par différentes personnes.
Mathieu Payan

JEUX INTERDITS
de René Clément – 1952 – France

Durant la Seconde Guerre mondiale, une jeune enfant est recueillie par une famille de fermiers alors qu’elle vient de perdre ses parents dans de tragiques circonstances. Avec le fils de la famille, ils vont se construire un monde imaginaire « interdit » où chaque petite bête retrouvée morte aura droit à sa sépulture. Un conte porté par deux jeunes comédiens au naturel marquant, une mise en scène simple et réaliste de René Clément, les célèbres notes de guitare jouées par Narciso Yepes (non originales) et l’histoire poignante du roman de François Boyer.
Tout comme « Rashomon », « Jeux interdits » reçu les deux distinctions de la Mostra de Venise et de l’Oscar du meilleur film étranger.
Le film eut un tel succès que Brigitte Fossey fut même présentée à la reine Élisabeth II du Royaume-Uni en 1953 !
Mathieu Payan

© Cocinor-Marceau

L’ANNÉE DERNIÈRE À MARIENBAD
d'Alain Resnais – 1961 – France/Italie/Allemagne/Autriche

Dans un château baroque, un homme essaie de convaincre une femme qu’ils se sont connus l’année dernière à Marienbad. Ou bien était-ce ailleurs… Avec ce second long-métrage après « Hiroshima mon amour » (et le moyen « Nuit et brouillard »), Alain Resnais prouve qu’il est définitivement le cinéaste de la mémoire, celle des horreurs de l’Histoire mais aussi celle des amours oubliées ou impossibles.
Écrit et découpé par Alain Robbe-Grillet, alors leader du mouvement littéraire du Nouveau Roman, « L’Année dernière à Marienbad » est une œuvre volontairement déstructurée qui fait appel aux sensations et à l’imagination des spectateurs qui sont appelés à participer à la construction même du film en en donnant, chacun, son interprétation selon son intellect et sa sensibilité. L’amant revient-il vraiment chercher la femme qu’il aime ? Représente-t-il la Mort ? Est-ce son rêve que l’on voit sur l’écran ? On ne le saura jamais et il est fort possible qu’il n’existe pas de réponse. C’est là l’audace incroyable d’un film aux longs travellings caressants et au texte envoûtant.
S’il est aujourd’hui considéré comme un grand film, « L’Année dernière à Marienbad » a divisé critiques et spectateurs lors de sa sortie, certains le trouvant mortellement ennuyeux, là où d’autres ne voyaient que modernité formelle et narrative. Lion d’or à Venise en 1961, le film obtint la même année le prix Méliès attribué par le Syndicat français de la critique de cinéma.
Christophe Hachez

LA BATAILLE D’ALGER
de Gillo Pontecorvo – 1965 – Algérie/Italie

Nous voici à nouveau replongés dans la guerre avec un film qui fera date dans l’histoire de la Mostra et l’histoire du cinéma. Le film raconte la lutte de l’Algérie pour son indépendance en montrant de la manière la plus objective possible les points de vue des indépendantistes algériens et des autorités françaises. Extrêmement fort visuellement et dans son propos, « La Bataille d’Alger » sera longtemps censuré en France, où on le jugeât comme un film de propagande. Le pays n’était en effet pas encore prêt à regarder en face la réalité et la dureté de ce qui ont longtemps été appelés comme de « simples événements ».
Ce brûlot anticolonialiste, majoritairement interprété par des comédiens non professionnels, a également reçu le Prix de la critique à Cannes et trois nominations aux Oscars. Une œuvre peu connue mais qui mérite assurément de l’être.
Mathieu Payan

AU REVOIR LES ENFANTS
de Louis Malle – 1987 – France

« Au revoir les enfants » raconte la naissance d’une amitié et la découverte de l’antisémitisme au sein d’une école pendant la Seconde Guerre mondiale. À la fois dur et cruel, mais si empreint de réalité, ce film de Louis Malle (certainement son plus personnel) touche au plus profond. D’autant que le film est directement inspiré de la vie de son réalisateur ; Louis Malle ayant vécu pareil événement durant sa jeunesse. Un moment de sa vie qui le marqua à jamais et qui représenta le film de son come-back en France, après un passage par Hollywood (« La Petite » avec Brook Shields, « Atlantic City » avec Burt Lancaster).
Succès critique et public (avec plus de 3,6 millions d’entrées au cinéma), « Au revoir les enfants » obtint 7 Césars, le Prix Louis-Delluc et le fameux Lion d’or de Venise.
Mathieu Payan

© AFMD

HANA-BI
de Takeshi Kitano – 1997 – Japon

Flic taiseux, art de la suggestion et du hors champ, temporalité complexe… Malgré un pitch en apparence simple (un flic rongé par la maladie de sa femme et par le handicap de son partenaire gravement blessé en son absence), ce film exige une certaine concentration de la part du spectateur.
Avec une jubilation manifeste, Kitano bouscule les traditions japonaises (jardin zen piétiné, cloche sonnée avant l’heure…) et les codes du film de yakuza (le flic leur vole la vedette, les humilie et devient même plus clandestin et dangereux qu’eux). Tout est presque résumé en un titre magistral : Hana-bi, signifiant « feu d’artifice », est composé des mots « hana » (fleur) et « bi » (feu). Cette métaphore oxymoronique se voit dans l’alternance d’une poésie (les peintures de Kitano himself, la musique de Joe Hisaishi, les gestes subtils…) avec une violence brute (des coups expéditifs, un montage cut parfois frustrant, le mot « crève » inscrit sur le bitume…). Deux pendants qui se rencontrent parfois : « ça ne sert à rien d’arroser des feuilles mortes » vaut au personnage qui prononce cette réplique un beau coup de poing sur la gueule !
Raphaël Jullien

LE SECRET DE BROKEBACK MOUNTAIN
d'Ang Lee – 2005 – Etats-Unis

La Mostra s’est distinguée en 2005 en primant ce film d’aventure osé. Non pas un film d’aventures comme on l’entend habituellement, surtout avec deux acteurs hommes dans les deux rôles principaux. « Le Secret de Brokeback Mountain » traite d’une aventure amoureuse entre deux cow-boys au début des années 60 et qui se poursuivra sur deux décennies durant.
D’une petite idylle en été naîtra en effet un puissant amour dans une Amérique qui n’est pas prête à accepter cette relation passionnelle. Jake Gyllenhaal et Heath Ledger interprètent brillamment les rôles sclérosés de leur personnage ; la musique de Gustavo Santaolalla berce délicieusement les chevauchées dans les hautes montagnes ; et la réalisation de Ang Lee érige au statut de chef d’œuvre cette incroyable histoire d’Annie Proulx qui prend aux tripes.
Le film a également obtenu trois Oscars.
Mathieu Payan

THE WRESTLER
de Darren Aronofsky – 2008 – Etats-Unis

Plus qu’à un film sur le catch, c’est à un prisme sur la vie de son acteur principal Mickey Rourke que nous convie le génial réalisateur de « Requiem for a dream », Darren Aronofsky.
Comment ne pas voir un parallèle entre la vie de ce catcheur et celle du comédien ?
Dans le film, « Randy le Bélier » était une star du catch vivant dorénavant une misérable existence tant professionnelle que personnelle. Il ne vit que pour les matchs où le public semble être sa seule motivation. Dans la vie, Mickey Rourke a connu de longues années de gloire au cinéma avant une pénible traversée du désert où il a lui-même été boxeur, son physique en prenant un sacré coup.
Mais son personnage ne cesse de monter sur le ring pour y retrouver la beauté des cascades et la force des matchs, certainement pour les mêmes raisons que l’acteur retourne sur les plateaux de tournage. Un film dur mais terriblement fascinant.
Mathieu Payan

© CTV International

LEBANON
de Samuel Maoz – 2009 – Liban/France/Israël/Allemagne

Coincés dans leur tank suite à une attaque, quatre soldats israéliens doivent faire appel à une équipe terrestre pour les escorter hors de ce bourbier. Film politique traitant de la guerre du Liban mais aussi de l'humain, perdu dans la machine et dans cette guerre sans fin, et rêvant d'un ailleurs improbable, « Lebanon » est un film viscéral, une expérience immersive, dont la quasi totalité des plans est filmée dans ou depuis les espaces confinés du tank.
Huis clos oppressant, il donne à voir les limites de chacun face à la peur. Le travail sur le son est un élément fondamental de ce film, permettant d'augmenter encore l'effet de confinement et l'angoisse des personnages. Aussi percutant que dérangeant, le film met à distance les horreurs de la guerre grâce à son confinement, montrant cependant la nécessaire prise de position de chacun.
Il a mis tout le monde d'accord lors du Festival de Venise 2009, duquel il repartit avec le Lion d'or ainsi qu'une mention au Prix du jury Œcuménique, avant d'être récompensé en 2010 aux European Film Awards, du prix de la révélation et de celui de la meilleure photographie.
Olivier Bachelard

FAUST
d'Alexandr Sokurov – 2011 – Russie

Un médecin rechigne à se laisser aller aux pulsions humaines qui l'habitent (cupidité, désir de chair...), mais se voit influencé par un personnage diabolique (Méphistophélès) qui va lui faire découvrir toutes les facettes de sa ville et de l'humanité, jouant sur la tentation pour le faire céder à ses envies et lui donner, en échange de son âme, un certain pouvoir.
En allemand dans le texte, le réalisateur russe Sokurov nous livre ici une adaptation libre du roman de Goethe, à la mise en scène et la photographie somptueuse, ne cessant de varier l'ampleur du champ, d'un intérieur confiné, à de vastes espaces, et composant au final de véritables tableaux aux multiples figurants. La fluidité du film captive, et même si la maestria l'emporte sur le discours, difficile à suivre tellement le film est foisonnant, il lui vaudra le Loin d'or en 2011.
Olivier Bachelard

 

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