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STEVE JOBS

Un film de Danny Boyle

Un biopic magistral et hypnotique

Une plongée dans les coulisses de trois étapes essentielles de la carrière de Steve Jobs, du lancement du Macintosh jusqu’à celui de l’iMac en 1998…

Depuis la mort de Steve Jobs en 2011, le Cinéma n'a cessé de se passionner pour le parcours hors-du-commun de cet homme ayant changé notre façon de vivre. Car oui, aussi difficile que cela puisse paraître aujourd'hui, il y a bien eu une époque sans iPhone, iPod et MacBook. Pour rendre hommage à cet ancien hippie devenu l'un des PDG les plus respectés de la Silicon Valley, plusieurs projets se sont opposés, de l'excellent documentaire d'Alex Gibney au médiocre biopic avec Ashton Kutcher dans le rôle titre. Le destin est tellement incroyable que le prisme de la fiction semble nécessairement aboutir sur une réalité grossière, non représentative de la personnalité complexe de ce visionnaire de génie. Et lorsque Danny Boyle arrive sur ce projet, le métrage a déjà connu de nombreux chamboulements, David Fincher et Christian Bale ayant notamment quitté le navire.

Néanmoins, il restait une chose et pas des moindres, le scénario d'Aaron Sorkin, celui dont la plume avait si bien épousé l'épopée de Mark Zuckerberg. Le slogan de la marque à la pomme croquée disait « Think different », l'auteur va alors appliquer la formule à la lettre avec un parti-pris audacieux : construire le film en trois grands chapitres, représentant chacun une étape importante de la vie de Steve Jobs (le lancement du Macintosh, celui du NeXTcube et enfin la présentation de l'iMac). Ce postulat de départ sera renforcé par la mise en scène de Danny Boyle, optant pour un format changeant (16 mm, 35mm et numérique) et une bande sonore adaptée pour chaque segment. Mais là où ce biopic devient véritablement passionnant, c'est qu'il ne s'intéresse pas aux célèbres discours mêmes, mais aux coulisses les précédant, préférant la pénombre aux projecteurs de ces événements ultra-codifiés.

Nous offrant une plongée vertigineuse dans les arcanes de l'innovation, la caméra virevoltante refuse le plan séquence pour mieux coller aux corps des protagonistes, en particulier celui de Steve Jobs qu'elle ne quitte jamais. « Rien ne s'est déroulé comme dans le film, mais tout est vrai » aime rappeler Danny Boyle. Car chaque invitation dans les loges est une occasion nouvelle de multiplier les enjeux dramatiques d'un film qui trouve un incroyable équilibre dans cette valse incessante de faux-semblants et de conflits. Sur un rythme appuyé, les répliques aiguisées fusent avec une fluidité impressionnante, permettant aux initiés comme aux aficionados de saisir tout ce qui se jouait à ce moment-là, qu'il s'agisse de l'intime d'un être détesté de son entourage ou de l'avenir d'une marque à laquelle personne ne croyait vraiment.

Dans ce jeu du chat et de la souris, Kate Winslet en Joanna Hoffman illumine la pellicule et piquerait presque la vedette à un Michael Fassbender pourtant excellent. Surtout, "Steve Jobs" éblouit par son extraordinaire propension à canaliser toutes les affres d'une vie dans de très courts fragments à l'intensité croissante. Par un montage chirurgical conviant le passé à côtoyer le présent, le film utilise son énergie frénétique pour multiplier les émotions et les registres, esquissant un voyage total et captivant pour le spectateur. Danny Boyle a peut-être ainsi réalisé le biopic parfait : un refus total de l'hagiographie, une pleine symbiose entre le fond et la forme, une œuvre ambitieuse et originale dans son essence-même. Pour sûr, c'est là le plus bel hommage qu'on pouvait faire à Steve Jobs.

Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur

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