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REVIVRE

Un film de Karim Dridi

Vivant, vibrant, bouleversant

Au sein du service de réanimation pédiatrique de l’hôpital marseillais de la Timone, Sélim, trois mois, attend une transplantation cardiaque, et Luna, neuf mois, une greffe de foie. Travaillés par la peur et la peine autant que par la joie et l’espoir, leurs parents luttent jour et nuit pour les ramener à une vie normale, épaulés en cela par une équipe médicale dévouée…

Le cinéma de Karim Dridi a toujours été un cinéma de la patience. Celle, nécessaire et souveraine, à creuser les différences culturelles au sein d’un environnement précis, à capturer les principes de solidarité et de métissage dans toute leur fibre humaniste, à pointer du doigt les inégalités sociales et leurs conséquences fatales, bref à se nourrir le plus possible du réel le plus concret pour façonner un regard à la fois pointu et réfléchi sur la société. Depuis le joli doublé formé par "Pigalle" et "Bye-bye" en 1994, la recette n’a jamais varié, y compris dans des productions plus ambitieuses et archétypales telles que "Le Dernier vol" ou l’injustement mésestimé "Fureur". Mais à l’image d’un Ken Loach, Dridi aime aussi à lorgner de temps en temps du côté du documentaire lorsque le sujet, exploré et creusé à la suite d’un long processus de rencontres humaines, impose de laisser parler le réel dans sa plus parfaite nudité au lieu de le reconstituer sous un angle fictionnel. "Revivre" n’est pas seulement son travail le plus abouti en la matière, il touche du doigt un sujet extrêmement sensible pour mieux le repeindre en pulsion de vie, prompte à bouleverser tout spectateur normalement constitué. Et si les appréhensions étaient légitimes au vu du synopsis (a priori encore un film de plus sur la maladie et les hôpitaux), la surprise est totale au vu de ce qui est capturé, de ce que l’on voit à l’image et de ce que l’on en garde après coup.

Loin d’un énième documentaire à forte charge de pathos, que l’on pourrait imaginer apte à ne rien esquiver de la douleur des patients et de la lourdeur administrative d’un secteur hospitalier en crise (merci l’actualité), Dridi opte pour un regard des plus attentifs et objectifs, porté non pas sur l’enfant malade ou sur le système médical, mais au contraire sur les parents, en l’occurrence deux jeunes couples qui élisent domicile avec leur enfant dans le service de réanimation d’un hôpital de Marseille dans l’attente d’un don d’organe. La surprise vient tout particulièrement de l’angle choisi vis-à-vis de la pratique de la paternité : s’il n’esquive rien de la pression et du trop-plein auxquels on tend à associer celle-ci, Dridi privilégie aussi des phases plus infrasensibles, drivées par l’attente, l’ennui, le doute et l’absence de repères. D’où le titre du film, désignant aussi bien l’enfant en position de « seconde renaissance » que des parents amenés vers un douloureux mais vital réapprentissage de leur rôle. D’où aussi un film qui tire perpétuellement profit d’un contexte des plus terribles – qui plus est assimilé à un périmètre de huis-clos – pour y réinjecter de la vie et de la lumière à tous les niveaux.

Par le choix d’un cadre extrêmement lumineux qui se nourrit autant des signes intérieurs (lumières vives et enveloppantes, sonorités diverses issues du cadre hospitalier) que de ces ciels marseillais ô combien chargés en nuances colorimétriques, "Revivre" incarne par ses choix visuels et sonores un processus vibrant où la vie et l’espoir perdurent par-delà la mort, la peur et la souffrance qui ne cessent pourtant de hanter l’arrière-plan et/ou l’horizon. Le réalisateur se positionne à la juste distance en toutes circonstances, que ce soit pour isoler une posture spécifique ou un mouvement précis au sein du cadre, pour capturer l’émotion qui s’empare peu à peu d’un visage, pour saisir ce principe d’entraide réciproque entre parents et soignants, ou tout simplement pour embellir un moment de joie (présence chaleureuse des clowns qui viennent divertir l’enfant). Et son montage n’en devient ainsi que plus pur, alternant les phases de tension et de respiration sans aucune précipitation, coupant court à tout guidage pseudo-émotionnel par sa quasi-absence de musique, et soulignant par deux plans placés aux extrémités du récit l’existence d’un cycle d’humanité qui ne prend jamais fin. Autant hymne au corps médical que célébration du corps familial, "Revivre" touche en plein cœur et honore magnifiquement la portée positive de son titre.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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