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PASSENGERS

Un film de Morten Tyldum

Cosmos 90210

5000 passagers dorment en hibernation dans le vaisseau spatial Aurora, lancé à destination d’une nouvelle planète habitable. Mais pour une raison inconnue, l’un d’entre eux, Jim Preston, se retrouve éjecté de son sommeil artificiel avec 90 ans d’avance ! Désormais seul à bord, il tente de trouver un moyen de savoir ce qui a pu se passer. La solitude étant de plus en plus forte au bout d’une année à bord, il prend l’initiative de réveiller l’une des passagères, Aurora. C’est désormais à eux deux de sauver le vaisseau, qui court un grave danger…

Commençons par l’argument à deux balles : "Passengers" est clairement ce que l’on peut appeler un « bel objet ». Attention : par ce terme certes un peu générique, on n’entend pas spécifiquement un « beau film », et encore moins un « bon film » dans le cas présent. Disons plutôt l’un de ces objets purement graphiques et décoratifs, en général voués à garnir une place de choix sur une étagère, et qui tirent leur charme moins de leur consistance que de leur apparence. Du contemplatif à l’état pur, pour faire simple. Ce détail sera ici à prendre en compte, tant la nouvelle commande américaine de Morten Tyldum ("Imitation Game") est du genre à donner l’impression – et ce pendant à peu près les trois quarts de sa durée – que le scénariste avait pris soin de rédiger son script en matant des croquis de décors high-tech de l’œil gauche et un magazine people de l’œil droit. C’est bien simple : on apprécie le visionnage de "Passengers" à l’image de ce que pourrait représenter le trip fantasmatique d’un spectateur lambda, déconnecté du moindre enjeu au profit d’une obsession carabinée par le culte du design et du look.

À première vue, le plus étrange serait de considérer cela comme étant une qualité. C’est pourtant le cas, mais uniquement si l’on choisit de rester à l’échelle d’un film qui place d’entrée ses enjeux humanistes en hibernation pour finalement les réveiller en urgence durant un dernier quart d’heure totalement précipité. Entre-temps, ni plus ni moins qu’une sitcom pour midinette délocalisée dans une station spatiale, avec deux acteurs glamour, shootés façon couverture de mode dans chaque plan, qui mâchent quelques enjeux consensuels dignes de "Beverly Hills 90210" dans des décors tellement hallucinants qu’une suite royale du Plaza passerait pour un grenier délabré en comparaison. Voyez-les donc lire des notices auxquelles on ne comprend rien, contempler le vide intersidéral par la fenêtre, jouer au basket ou à la Kinect, nager dans une piscine avec vue sur l’espace, regarder des films en mangeant du pop-corn, planter un arbre dans un couloir, taper la causette avec le serveur (robotisé !) de "Shining", enfiler les verres de whisky, et bien sûr, finir par faire la bête à dos sous la couette à force de se tourner autour. Le tout avec une bande-son ultra hypnotique qui rappelle fatalement celle de "Wall-E" (logique : c’est le même compositeur !) et une esthétique de pub pour dentifrice qui charme l’œil en permanence. À ce stade-là, le film est clairement un « beau voyage » : on profite de la vue, peinard et détendu, pour seulement dix euros.

Alors, forcément, quand le seul détail captivant de cette intrigue se résume à fantasmer de vivre à vie dans un décor pareil avec Jennifer Lawrence (tapez 1) ou Chris Pratt (tapez 2), comment le réalisateur peut-il espérer réactiver son pitch à la "Sunshine" en revalorisant son statut de survival humaniste ? La solution trouvée aura vite fait de virer en eau de boudin dans un dernier quart d’heure façon "The Island" du pauvre, qui juxtapose un peu n’importe quoi (dont des soucis de gravité assez délirants !) et balance son enjeu sacrificiel à la manière d’un paquet cadeau sans magnifier ce qu’il implique – de tels formules narratives ont déjà été épuisées par tant de blockbusters passés. Tout ça pour, au final, se contenter de nous dire qu’un vaisseau spatial, ça peut tomber en panne… En fait, ici, qu’importe les 5000 individus congelés dans la soute qui permettraient à l’humanité de survivre sur une nouvelle planète habitable. Seul compte le plaisir d’un voyage romantique et sensoriel avec Ken et Barbie qui ont des étoiles plein les yeux et une plastique aussi affolante que le décor lui-même. Si l’on admet que ce genre de futilité narrative peut valoir le prix d’une place de cinéma, "Passengers" vous semblera bien plus sexy qu’une attraction du Futuroscope. Dans le cas contraire, préférez le "Sunshine" de Danny Boyle.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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