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MEMORY

Un film de Michel Franco

Entraide entre douleurs et souvenirs

Sylvia se rend depuis 13 ans aux réunions des Alcooliques Anonymes (AA). Elle travaille dans l’aide social, dans un foyer pour déficients, a une fille, et semble avoir retrouvé un équilibre. Lors d’une réunion d’anciens élèves, elle est abordée par Saul, qui la suit jusqu’à chez elle et reste planté devant son appartement sous la pluie. Récupéré par son frère et sa nièce, celui-ci est en fait atteint de la maladie d’Alzheimer, sa fille l’obligeant désormais à porter un collier, avec un numéro d’urgence pour les fois où il se perd. Mais pour Sylvia, les problèmes de mémoire de celui-ci, en font un réceptacle possible, pour évoquer un passé douloureux…

Après deux films marquants, tous deux présentés en compétition à Venise ("Nouvel Ordre", Grand Prix pour son portrait d’une famille riche prise en otage et "Sundown", avec Tim Roth, portrait d’un homme condamné lâchant sa famille), le réalisateur mexicain Michel Franco nous revient avec "Memory", film qui a valu le Prix d’interprétation masculine à Peter Sarsgaard lors de la Mostra de Venise 2023. Récit de la rencontre d’une femme membre des alcooliques anonymes et d’un ancien camarade de classe atteint d’Alzheimer, le long métrage pose très rapidement la question de la fiabilité de la mémoire pour l’un comme pour l’autre.

Michel Franco installe d’emblée la permanence de la peur comme essence de l’existence de Sylvia (Jessica Chastain, impressionnante dans un mélange de détresse et d’élan), avec la quantité de serrures de sa porte, la présence d’une alarme sophistiquée, ou son incapacité à adresser la parole à un homme inconnu qui l’aborde. Et le scénario va rapidement aborder de manière frontale l’un de ses traumas, le caractère passif de Saul (Peter Sarsgaard, touchant) lui permettant enfin de poser des mots sur sa souffrance, mais l’exposant tout de même à un possible déni. Questionnant ainsi la valeur de la mémoire, parfois altérée, c’est aussi le doute qui s’installe, autour de ce personnage entier, se laissant approcher par un homme que la maladie maintient lui dans son passé, alors qu’il est incapable de s’imaginer un futur.

Entre des traumas que l’une cherchait à oublier et des souvenirs récents effacés pour l’autre, c’est donc logiquement dans le présent, autour de la prise de soin l’un de l’autre, qu’ils vont pouvoir dialoguer. Progressivement, les personnages dont les trajectoires se croisent en termes de dignité et de liberté, bénéficiant l’un à l’autre, bouleversent, exprimant les craintes d’une mère pour la sécurité de sa fille (une magnifique scène au restaurant…), la tendresse d’une nièce pour son oncle qui disparaît peu à peu, la difficulté à avoir ou accepter des gestes affectueux, voire l’impossibilité de confronter des proches. Enrobée dans les mélodies de "A Whiter Shade of Pale" de Procol Harum, la conclusion permet de quitter les deux protagonistes, la gorge serrée.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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