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LOVE

Un film de Gaspar Noé

Porn arty sentimental

Murphy est jeune père depuis plus d’un an et vit en couple avec Omi. Un matin, il reçoit un coup de téléphone de la mère de son ex, Electra, avec qui il a vécu une passion amoureuse. Celle-ci s’inquiète que sa fille ne lui ait pas donné de nouvelles depuis plus de deux semaines. Suite à cet appel, Murphy va se remémorer à quel point l’osmose qu’il a ressentie avec Electra lui manque…

Arrivé à Cannes lors de la deuxième vague de sélection, "Love", le dernier film de Gaspar Noé, était très attendu sur la Croisette. Les affiches teaser, dévoilées trois semaines avant la première mondiale, avaient excité plus d'un festivalier et annonçaient l'un des films les plus sulfureux du réalisateur franco-argentin. Si bien qu'on n'avait peut-être pas vu autant de cohue pour une projection à une séance de minuit !

"Faire bander les mecs et pleurer les nanas". Telle était l'ambition de Noé avec ce film contenant des scènes de sexe non simulées. L'ouverture sur le couple en tête d'affiche se masturbant mutuellement fait réellement douter de la réussite d'un tel pari, tant elle est clinique. Heureusement, ça s'arrange par la suite. Dès le début, pour toute l'exposition de la situation et des rapports entre le trio amoureux, on retrouve d'emblée cette ambiance à la "Enter the void", toute ouatée, planante et quelque peu morne, dans laquelle le personnage de Murphy déblatère des pensées enragées et primaires.

Bien que ses navrantes voix-off disparaissent assez rapidement, à mesure que Murphy se remémore sa relation avec Electra, il faut reconnaître que l'écriture n'est absolument pas le fort du film. Les dialogues sont bien souvent d'une vacuité sidérale et c'est clairement ce qui fait défaut à un film affichant l'ambition de parler d'amour passionnel. Les dialogues étant creux, mièvres et naïfs, les protagonistes finissent également par le devenir, malgré de belles performances de la part de Karl Glusman et Aomi Muyock. Au final, nous ne sommes jamais vraiment épris par ce couple et leur relation. Tout se suit avec un détachement faisant cruellement défaut à un film narrant une histoire d'amour. Sur le contenu, il en résulte un cinéma qui se regarde le nombril, Gaspar Noé prenant visiblement plaisir à se glorifier au travers de ses protagonistes, jusqu'à jouer lui-même un chevelu portant son propre nom et baisant la star du film.

Mais alors, qu'est-ce qui peut bien sauver "Love" ? D'abord, c'est indéniablement sa forme magistrale qui vient tirer l'œuvre vers le haut. La photographie chiadée de Benoit Debie y est notamment pour beaucoup. Même si elle ne surclasse pas l'incroyable "Enter the void", elle demeure magnifique et envoûtante. Noé sait cadrer et en profite également pour faire quelques incursions bienvenues de cartons comme à l'époque de "Seul contre tous" et "Carne". Mais là où il étonne, c'est dans la façon de représenter l'acte sexuel. Hormis le plan d'ouverture totalement gratuit et plat, malgré les lunettes 3D, les scènes de sexe sont sublimes, à défaut d'être réellement excitantes pour la plupart. Les meilleures restent celle du club avec ce fascinant effet stroboscopiques et celle du plan à trois, magnifique chorégraphie amoureuse tournée en un seul plan. Le film est loin d'être un porno hard avec des plans d'organes génitaux à tout-va, de même, il est bien moins hardcore que son précédent chef-d'œuvre "Irréversible". C'est plutôt doux, tel un film érotique pour un public féminin même si, pour Noé, l'éjaculation masculine ne semble être que l'unique point culminant d'un rapport sexuel. L'orgasme féminin, lui, passe à la trappe.

Au final, le tout s'apparente plus à une redite d'"Enter the void" dans bien des points (on aura notamment droit au même plan de coït vu de l'intérieur du vagin). "Love" n'est ni un film érotique d'auteur hyper-excitant ("L'Amant" ou "Tokyo Decadence" étaient bien plus sulfureux), ni une grande histoire d'amour romanesque. C'est plutôt, en revanche, une démonstration de la virtuosité d'un cinéaste à filmer un autre cinéma pornographique grâce à un langage cinématographique unique et profondément marquant.

Alexandre RomanazziEnvoyer un message au rédacteur

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