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LES LINCEULS

Un film de David Cronenberg

L’insoutenable pesanteur de l’être absent

Effondré par le décès de sa femme, Karsh, un homme d’affaires a créé une nouvelle société controversée, Gravetech. Celle-ci permet de se connecter avec les linceuls des défunts pour voir l’évolution des cadavres. Un jour, il voit apparaître de drôles de tâches sur le corps de sa femme…

La rumeur disait vrai : pour son nouveau métrage, David Cronenberg a décidé de signer une œuvre intimiste, fortement autobiographique. Dès la première apparition de Vincent Cassel à l’écran, sa silhouette se confond complètement avec celle du réalisateur. Mais comme souvent chez le cinéaste, il ne s’agira pas d’un récit classique mais d’une nouvelle expérimentation formelle dans laquelle il sera une énième fois question du corps humain et des innovations technologiques. L’auteur de "Vidéodrome", "La Mouche" et "A History of Violence" a toutefois trouvé les racines de son scénario dans la mort de sa propre épouse, signant un film morbide à la poésie troublante.

Karsh est un homme d’affaires brillant. Élégant, on pourrait le penser enchaîner les conquêtes. Mais depuis qu’il est veuf, plus rien n’a de saveur. Et c’est à travers un date maladroit qu’on va découvrir ses activités : des linceuls connectés. Oui, Gravetech, sa société, commercialise au sein de cimetières ultra-modernes des suaires dont les nombreuses caméras permettent de suivre l’évolution de la décomposition d’un cadavre. Pas besoin d’avoir fait des études de psychologie pour se rendre compte qu’il ne s’agit pas de la meilleure solution pour pouvoir faire son deuil et passer à autre chose. Et c’est bien précisément la velléité du protagoniste : ne pas passer à autre chose, conserver une image réelle de son être aimé au quotidien. Ces premiers instants sont les plus réussis, bouleversant en quelques répliques, et esquissant un haïku poignant sur les liens si particuliers qui peuvent unir les vivants et les défunts.

Le problème, c’est toute la suite de l’intrigue, la manière avec laquelle le thriller va sombrer dans une chronique complotiste invraisemblable, qui implique des Chinois, des Russes, des intelligences artificielles incontrôlables et un goût prononcé pour l’Islande. Les dialogues ont beau se multiplier et s’éterniser, il est bien difficile de s’y retrouver dans ce gloubi-boulga scénaristique qui ne semble pas être certain lui-même de savoir où il doit nous accompagner. Partant du postulat que chaque décès s’accompagne nécessairement d’une dose de suspicion (est-ce que les médicaments étaient les bons ? Est-ce que les médecins ont tout fait pour la sauver ?), le metteur en scène extrapole cette paranoïa pour tenter de la transformer en un film d’espionnage. S’égarant totalement au point de ternir la beauté crépusculaire de l’ensemble, "Les Linceuls" confirme que les aînés sélectionnés à cette 77ème édition du Festival de Cannes (Coppola, Schrader) auraient peut-être mieux fait de respecter l’âge de départ à la retraite.

Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur

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