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LE MANGEUR D'ÂMES

Very Bad Tripes

A Rochenoir dans les Vosges, les habitants sont sens dessus dessous. Des disparitions d’enfants se multiplient, et alors qu’ils pensaient que le pire était arrivé, un double meurtre particulièrement violent est découvert. L’enquêtrice Elizabeth Guardano va devoir alors faire équipe avec le capitaine de police Franck de Rolan afin de découvrir la vérité. Une vérité bien dérangeante et qui semble tourner autour d’une légende locale : le mangeur d’âme…

Alexandre Bustillo et Julien Maury sont deux compères du cinéma d’horreur qui se sont faits remarquer avec le choc "A l’intérieur" en 2007 avec Alysson Paradis et une Béatrice Dalle habitée. Dès lors ils sont devenus une référence pour tout amateur de trouille, de sang et d’ectoplasmes. On leur doit également le touchant "Livide" (2011) et leur "Stand By me" horrifique avec "Aux yeux des vivants" (2014) qu’on défendra toujours bec et ongle chez Abus de ciné. Des Œuvres perfectibles certes, mais comportant un cœur gros comme ça et un vrai sens de l’épouvante et de ses codes.

Les voici de retour après des expériences américaines en dents de scies avec notamment la déconvenue du prequel "Leatherface" (2017), charcuté en table de montage, mais aussi de jolies réussites mineures comme "The Deep House" (2021) qui profitait de son cadre unique d’une maison hantée sous l’eau. Toujours prompts à suivre leurs travaux et leur évolution en tant que cinéastes, c’est avec joie que l’on a pu constater leur présence (ou plutôt leur retour) au festival de Gérardmer pour cette 31 ème année.

Le premier constat, à la lecture du synopsis, est qu’on décèle une envie de changer un peu de registre afin de se concentrer sur un sous-genre dont les Français raffolent : le thriller policier teinté de folklore. Que ce soit en littérature (le film étant lui-même une adaptation du livre éponyme de Alexis Laipsker, mais on pense aussi à Jean-Christophe Grangé ou encore plus récemment à Franck Thilliez) ou sur le petit écran - doit-on énumérer le nombre de séries policières existant sur le service public ? (Non, mais on vous rappellera que "Zodiac" avec Francis Huster et Clair Keim en 2004 avait lui aussi emprunté ce chemin) - , c’est un genre assez prolifique.

Mais comme ils nous diront dans une interview le lendemain de la projection, leur envie de se confronter à ce type de films les démangeait depuis un moment et on pourrait dire que la dernière tentative sur grand écran remonte à 2000 avec Jean Reno et Vincent Cassel dans "Les Rivières Pourpres", de Mathieu Kassovitz. Le duo a-t-il réussi son tour de force et leur retour en hexagone ? On peut affirmer d’entrée de jeu que la bonne surprise du film c’est d’avoir collaboré avec l’acteur Paul Hamy ("L'Ornithologue", "Le Dernier Voyage").

Interprétant ce capitaine un brin taiseux mais à l’émotion toujours à fleur de peau, le comédien s’impose vite comme une figure d'exception au sein du paysage cinématographique français. On pense évidemment à Alban Lenoir ou à certains rôles d’actioners portés par Gilles Lellouche et on trouve dans cette nouvelle tête d’affiche un compétiteur de taille. Aussi à l’aise dans les séquences d’actions (superbe course poursuite à travers des rondins de bois) que dans les scènes plus intimistes où un regard, une mâchoire contractée, en disent long sur ce que traverse son personnage.

Malheureusement pour nous, l'écriture du personnage est assez austère afin de préserver l’une des révélations finales. Lors de notre rencontre, le tandem de réalisateurs nous expliquait être naturellement attiré par des figures froides, presque antipathiques. On aime plutôt bien ce genre de personnalité au cinéma, le souci c’est quand la narration s’en mêle, ici pour les besoins d’un twist, garder dans le tiroir jusqu’à la fin un élément qui nous rendrait empathiques face à ce type de personnage est toujours un parti pris risqué et casse gueule. Rappelons la désastreuse adaptation du jeu vidéo "Max Payne" par John Moore en 2008 : contrairement au jeu, le film cachait délibérément au spectateur le trauma de Max pour le révéler seulement à la 45ème minute sur un film d’une heure et demie. Trop tard pour l’implication émotionnelle du spectateur, qui a décidé avant la révélation, qu’il avait affaire à une coquille vide plutôt qu’à un personnage faussement complexe.

Et la comparaison s’arrête seulement sur le parti pris d’écriture, le capitaine Franck de Rolan n’a pas les expressions monolithiques d’un Marky Mark Whalberg dans "Max Payne". Sa partenaire, interprétée par l’immense Virginie Ledoyen, n’est pas en reste, mais deux soucis se posent à nous : les dialogues qui sonnent parfois faux et l’arc narratif du personnage qui est complètement oublié dans son climax, voire quasiment relégué au rôle de figuration de luxe. Dommage pour celle qui nous avait bluffé dans "Saint Ange" de Pascal Laugier en 2004. Les seconds couteaux écopent d’une écriture un peu grossière, mais le plaisir est total quand on retrouve l’acteur d’ "Aux yeux des vivants", Francis Renaud, en flic dépassé.

Pour ce qui est du reste, évidemment la forme est soignée, mais hélas sans éclat (hormis pour une scène d’une violence assez crue entre deux parents). Le rythme s’en fera ressentir, malgré les décors grandioses des Vosges ou encore du sanatorium où se déroule le dernier acte, qui sont finalement peu mis en avant sans forcément jouer sur la lumière, l’ambiance ou le montage. Au vu de leur filmographie, on comprend la volonté de faire un pas de côté, de s’essayer à autre chose dans une veine de films aujourd’hui peu produits pour le grand écran. On les suivra partout dans tous les cas et même si le film regorge de petits moments dont ils ont le secret, l’ensemble semble respecter à la lettre une formule dont les coutures sont parfois un peu trop visibles. Pari à moitié réussi pour Bustillo et Maury, avec cette escapade vosgienne. On sera là pour la suite dans tous les cas.

Germain BrévotEnvoyer un message au rédacteur

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