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L'IMPROBABLE VOYAGE D'HAROLD FRY

Un film de Hettie MacDonald

Too much

Retraité, Harold Fry reçoit un jour une lettre d’une ancienne collègue, Queenie, qui lui apprend qu’elle est désormais en soins palliatifs. Mais en allant poster un court et maladroit mot pour elle, il se ravise, bouleversé et attentif au moindre signe. Croisant une jeune caissière dans une station service, qui lui affirme que sa volonté a aidé sa tante à guérir d’un cancer, il décide de marcher les presque 800 kilomètres qui le séparent de l’hospice où se trouve Queenie. Sa femme, Maureen, laissée soudainement seule, s’en trouve désemparée…

L'Improbable Voyage d'Harold Fry film movie

Adapté du livre de Rachel Joyce, "La lettre qui allait changer le destin d'Harold Fry arriva le mardi..." (XO Editions, 2012), le nouveau film de Hettie MacDonald, réalisatrice de l'épatant "Beautiful Thing", qui s'est depuis concentrée sur des séries télé ("Doctor Who", "Miss Marple", "Londres Police Judiciaire", "Tunnel", "Hercule Poirot" ou encore "Howards End") est un mélodrame longuet, qui se regarde étrangement sans grand déplaisir. Il faut dire qu'il faudrait être bien insensible pour ne pas avoir ponctuellement la gorge serrée, tant l'histoire est chargée en pathos et en enjeux croisés liés à la maladie, la dépression, l'usure du couple, l'addiction... Et c'est avec une certaine douceur que la réalisatrice croise un récit linéaire (le périple d’Harold et ses multiples rencontres), le lien avec l'ancienne collègue (maintenu mystérieux quasi tout le métrage) et le destin du fils du couple.

Certes, elle installe en quelques plans la routine du couple et son absence de dialogue (un aspirateur en plan zénithal, l'homme qui regarde la vie à l'extérieur entre deux rideaux...), mais la suite aligne tellement de hasards tombant comme des cheveux sur la soupe, que l’écœurement est proche (le pompon allant au thé pris soudainement, sans transition, avec un chirurgien… ce qui est bien pratique pour parler une fois encore, de maladie). Malheureusement toutes les rencontres, le long du périple, sont faites pour montrer en quoi l'humain peut être bon ou compatissant, ou pour servir le parallèle avec le rapport d'Harold à son fils. Tout cela est donc bien loin d'être fin.

Mais là n'est pas le pire. Le scénario n'a de cesse, au travers des dialogues, de repousser la question de la religion loin de la démarche d'Harold, ceci tout en alignant on ne sait combien de fois les termes « foi », « pèlerin » ou « espoir », et en faisant d'Harold une figure christique à bien des moments (il devient une sorte de messie avec ses disciples, une médecin lui lave les pieds...), quand la réalisatrice ne nous fait pas le coup (jusqu'au bout d'ailleurs) de la lumière qui éclaire particulièrement voire soudainement certains détails (la jeune fille de la station service, ce fils qui leur manque tant, et tous les bons samaritains croisés en chemin...).

Autour de la thématique du pardon, "L'Improbable Voyage d'Harold Fry" est donc un mélodrame particulièrement appuyé, malgré quelques jolis moments champêtres et une élégante musique signée Ilan Eshkeri. Et si l'on parvient à s'intéresser un peu à cette histoire dégoulinante de bonnes intentions, c'est avant tout grâce à Jim Broadbent ("Moulin Rouge", "The Duke", "Paddington"), toujours touchant grâce aux multiples nuances de son regard, en apparence égaré. Quant à Penelope Wilton ("Downton Abbey", "La Ruse"), qui interprète son épouse Maureen, elle dispose sans doute du rôle le plus intéressant, pris en étau entre l'usure de son couple, une rancœur passée et un sentiment tout neuf d'abandon. Le récit aurait d'ailleurs sans doute beaucoup gagné à se concentrer plus sur elle, au lieu de réduire ses agissements à des échanges bien plats avec son voisin et à un dialogue final effrayant de signification soulignée. Mais le résultat global est là… bien décevant.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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