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JOJO RABBIT

Un film de Taika Waititi

Un hymne émouvant et barré contre la haine

Jojo n’a pas beaucoup d’amis. Il vit essentiellement dans les jupons de sa mère. Mais lorsqu’il découvre que celle-ci cache une jeune fille juive dans leur grenier, forcément son idéologie nazie enseignée à l’école se voit fortement ébranlée. Au point de la remettre en question ?…

Jojo rabbit film image

Rire avec le nazisme. Lorsqu’on évoque cette page tragique de notre Histoire, difficile d’imaginer un récit dont l’objectif principal serait d’amuser l’audience. Pourtant, plusieurs s’y sont déjà essayés (comme Benigni avec "La vie est belle"), souvent dans le genre horrifique parodique où les membres du troisième Reich sont devenus des personnages récurrents de séries Z ("Iron Sky", "Zombies nazis"), mais beaucoup moins ont osé le pur vaudeville. Peut-être parce que Charlie Chaplin et son "Dictateur" ont mis la barre beaucoup trop haute, rendant inéluctable la comparaison avec ce chef d’œuvre d’humour satirique. Taika Waititi, lui, se fout pas mal de l’analogie avec l’œuvre de l’idole du muet. Depuis "Vampires en toute intimité" qui lui a offert une notoriété internationale, le cinéaste ne s’interdit plus rien, comme transformer les "Thor" version Marvel en de grands divertissements comiques et déconstruisant le mythe du Dieu Nordique pour en faire l’un des personnages les plus déjantés de la saga.

Dans "Jojo Rabbit", la caméra suit un gamin dans une Allemagne meurtrie par les longues années de conflit. Au milieu des bâtiments en ruine, le garçon continue pourtant à sourire, à s’amuser avec son seul camarade, et à passer beaucoup de temps avec sa mère qui ne cesse de tout faire pour lui offrir l’enfance la plus heureuse possible. Malgré les idées de liberté prônées à la maison, Jojo a été embrigadé par l’idéologie nationale-socialiste, vénérant un culte à Hitler au point d’en avoir fait son ami imaginaire. Et alors qu’il se voit offrir des petites missions pour le parti, la découverte d’une juive cachée dans son propre foyer va venir ébranler ses convictions. Diatribe décalée et poétique, le film est surtout une ode vibrante contre le racisme et les bêtises humaines qu’on peut nous faire avaler sous le prétexte d’une autorité de confiance.

En plaçant son intrigue à hauteur d’enfant, Taika Waititi réussit parfaitement à exposer la violence, psychologique et physique, que représente une guerre sur les plus jeunes populations. Mais encore plus fort, l’acteur-réalisateur parvient à traiter ce contexte complexe pour amener une réflexion plus profonde que l’apparence caricaturale de l’ensemble pouvait le laisser imaginer. En privilégiant la tendresse et l’onirisme, le métrage s’affirme comme une comédie bienveillante complètement barrée, où l’outrance est contrebalancée par un humanisme touchant. Et si la bande-annonce mettait grandement en avant la dimension loufoque, le résultat s’avère bien plus poignant, les larmes n’étant jamais très loin des nombreux éclats de rire. Au-delà de l’inventivité du scénario et de ces ruptures de tonalités, "Jojo Rabbit" doit également beaucoup à son impeccable casting, dont la révélation Roman Griffin Davis et l’étincelante Thomasin McKenzie ("Leave no Trace"), qui font des merveilles à l’écran. Fantasque et mordante, voici l’une des premières (douces) claques de 2020 !

Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur

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