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EMPIRE OF LIGHT

Un film de Sam Mendes

Lumière sur les salles obscures et une romance déchirante

Hilary est la responsable d’un cinéma d’une station balnéaire anglaise. Mais elle doit également affronter ses problèmes personnels. Sa rencontre avec Stephen va venir chambouler son quotidien et lui offrir l’espoir de jours meilleurs…

Empire of Light film movie

Peut-être parce que le confinement est passé par là, plusieurs cinéastes de renom ont récemment décidé de déclarer leur flemme au 7ème Art, qu’il s’agisse d’une fresque excessive pour Damien Chazelle ("Babylon") ou d’une expérience plus introspective pour Steven Spielberg ("The Fabelmans"). Sam Mendes a lui opté pour la nostalgie, plantant le décor de son intrigue au cœur d’une station balnéaire de la côté anglaise, au début des années 80. Dans un vieux théâtre dont une partie est tombée en désuétude, une petite troupe essaye tant bien que mal de maintenir l’entreprise à flot, se démenant pour que chaque spectateur puisse profiter confortablement d’une expérience enchanteresse. Car au-delà de toute velléité scénaristique, "Empire of Light" est un hymne vibrant aux artisans du Cinéma, à ces petites gens derrière les comptoirs de confiserie et de billetterie, à ces êtres enfermés dans une cabine de projection où la magie de la mécanique opère pour donner du mouvement aux images.

Après avoir démontré la puissance du numérique avec maestria dans "1917", le réalisateur a permis à son chef opérateur Roger Deadkins ("No Country for Old Men", "Skyfall", "Blade Runner 2049") d’utiliser les mêmes caméras pour rendre cette fois-ci hommage à la pellicule, à cette époque où des points lumineux surgissaient à l’écran, où des petits cercles noirs venaient parfois polluer la partie supérieure de la toile et où les rouages vrombissants de la machinerie nous jouaient une douce mélodie. La séquence d’exposition nous présente alors Hilary, pierre angulaire de cet Empire Cinema. Elle n’est pas la propriétaire, mais c’est bien elle la maîtresse des lieux, celle qui arrive la première, qui allume les lumières, vérifie que tout est en ordre avant l’arrivée des cinéphiles locaux. Et c’est naturellement à cette quadragénaire que revient la tâche de former le dernier venu, Stephen, un jeune homme aussi beau que curieux.

Doucement, le film évolue vers une romance bienveillante et inattendue. Hilary s’émancipe de l’emprise toxique de son patron pour s’abandonner dans les bras musclés de cet adonis. Leurs regards sont complices, leurs conversations parfois frivoles, souvent profondes et intimes ; rien ne semble pouvoir briser cette idylle naissante. Mais le mirage était trop beau… Une ombre plane, surgissant à chaque fois que nous sommes invités en dehors de l’enceinte protectrice du cinéma. Le comportement de la protagoniste n’est plus le même, plus insaisissable, plus irascible. Le contexte est lui plus pesant, la couleur de peau de Stephen devient un sujet, une triste réalité l’obligeant à baisser les yeux lorsqu’il se promène dans la rue. Et là est l’une des belles idées de ce drame poignant de Sam Mendes, ériger la salle obscure comme un refuge, un espace cathartique à l’abri des maux de la société et des difficultés du quotidien.

Au fur et à mesure que les minutes défilent, le métrage s’ancre dans une réalité de plus en plus froide, l’amour ne suffit plus à effacer les douleurs silencieuses. Hilary est en proie à ses propres démons. Stephen doit faire face à un contexte politique qui invite une partie de la population à hurler leur haine de l’autre. Les thématiques du film coexistent dans des espaces séparés jusqu’à pénétrer le sacro-saint lieu de l’Empire Cinema, notamment lors d’une scène d’une brutalité glaciale. Si certains plans auraient mérité à gagner en subtilité (la métaphore du pigeon blessé), Sam Mendes réussit, en dépouillant sa mise en scène de toute spectacularité, à nous transporter dans une œuvre mélancolique et bouleversante. Le message peut paraître simpliste, les ressorts scénaristiques trop appuyés, la forme trop classique, mais le résultat est d’une élégance rare. Et sans même l’avoir vu venir, cette chronique romanesque, au charme suranné, s’avère l’une des sorties les plus enthousiasmantes de ce début d’année. Probablement parce qu’après le confinement la rencontre d’âmes solitaires a une résonance différente. Certainement parce que remettre de la lumière sur un endroit qui nous a tant manqué est devenu un geste politique. Sans aucun doute, un film à ne pas manquer !

Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur

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